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Publié le 25 mai 2013

Discours de Madame Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice

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21 minutes

Pour tout vous dire, je suis vraiment ravie d’être là, même si je sais que vos attentes sont différentes de celles que vous aviez l’an dernier. L’an passé, c’était l’inverse. Le 2 juin 2012, j’étais venue ouvrir vos travaux. Pour moi, l’aventure fut très belle. En tout cas, ce fut une belle rencontre. J’avais déjà rencontré votre présidente, Catherine SULTAN. Je connais le parcours de votre nouvelle présidente, Marie-Pierre HOURCADE. Merci pour l’accueil extrêmement chaleureux.

Cette année, j’avoue que j’éprouve un relatif inconfort à venir clôturer des travaux auxquels je n’ai pas participé. C’est plus audacieux que de venir ouvrir des travaux, sachant que des pistes seront parcourues par la suite. Hier, je n’ai pas participé à vos travaux, malgré mon intérêt. Hélas ! Mes journées sont ce qu’elles sont. Hier, ma journée était essentiellement consacrée à la création annoncée par le président de la République du « parquet financier » à compétence nationale. Dans la journée, j’ai reçu les magistrats instructeurs. J’ai reçu les procureurs et le procureur général qui sera en charge, à savoir celui de Paris. Je me suis déplacée auprès du pôle financier et économique. Je vous dis tout cela en passant. Il s’agit du service public de la justice. Pour moi, son unité doit être répétée et réitérée. Je croise l’information à chaque fois que l’occasion est donnée.

À partir de cette année, je sais que cette Assemblée générale fait fonction, d’une certaine façon, de journée de formation continue. Ce progrès est appréciable. Je salue le travail de l’équipe, qui a travaillé pendant cinq ans sous la présidence et l’autorité de Catherine SULTAN. Je salue également le travail, que vous avez effectué depuis septembre 2012, date de votre prise de fonction, ainsi que le travail des membres du Comité de direction.

L’an dernier, j’ai eu l’occasion de vous exprimer l’attachement que j’éprouve pour les valeurs, qui ont fondé et inspiré l’ordonnance du 2 février 1945. Je sais que vous êtes, vous-mêmes, attachés à ces valeurs. Ces dernières se traduisent par les principes contenus dans cette ordonnance de 1945. Ces principes sont essentiellement la spécialisation, la primauté de l’éducatif et donc de l’éducation. Il est nécessaire de conjuguer à la fois l’autorité et la sanction proportionnée. Il faut constamment avoir le souci de ramener le jeune dans la société.

Depuis l’an dernier, que s’est-il passé ? Un certain nombre de choses ! Par exemple, je pense à la conférence de consensus. J’ai voulu cette conférence pour inspirer ma politique publique sur la prévention de la récidive, mais aussi pour mettre en place des dispositifs, des indicateurs, aussi bien quantitatifs que qualitatifs, pour mesurer ces politiques publiques. Je veux introduire de la rigueur dans l’élaboration des politiques publiques. Il faut de la rigueur en amont. Je parle de la façon même dont nous devons concevoir les politiques publiques. Il faut de la rigueur en aval. Autrement dit, il faut avoir le courage de mesurer les effets de ces politiques publiques.

Cette conférence de consensus a eu lieu en deux étapes. Il a fallu installer un Comité d’organisation totalement indépendant. Il a été présidé par Nicole MAESTRACCI, qui était alors première présidente de la Cour d’appel de Rouen. Vous le savez, depuis, elle est devenue membre du Conseil constitutionnel. Ce Comité était composé d’une vingtaine de personnalités extrêmement diverses. Elles avaient des sensibilités différentes, des parcours différents. Leurs expériences étaient différentes. Ces personnalités avaient des tempéraments très forts. Il fallait qu’il se produise quelques frottements pour ne pas aboutir à un consensus mollasson. Le consensus a été construit, après le constat des divergences, après le partage des connaissances et des éléments objectifs. Ici, nous avons essayé de le faire. Le consensus a également été construit à partir des résultats des expériences, qui ont été conduites dans les pays européens et dans des pays plus lointains.

Ce Comité d’organisation avait la responsabilité de définir un jury de consensus. Il l’a fait en toute indépendance. Ce jury fut présidé par Françoise TULKENS, ancienne présidente de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce jury était lui-même composé de personnalités extrêmement diverses. Elles avaient des positionnements très divergents sur ces sujets. Après deux journées d’audition publique, un consensus a vu le jour. L’unanimité fut même de mise pour une douzaine de préconisations. Ces dernières ont été communiquées au premier ministre en février.

Sur la base de ces préconisations, j’ai engagé un certain nombre de consultations. J’ai déjà effectué 24 consultations. J’ai reçu 24 délégations, dont des syndicats de magistrats et d’autres métiers de la justice. Par exemple, j’ai reçu tous les syndicats de la police, des associations d’aide aux victimes et des personnalités. J’en parle parce que vous avez accepté, Madame la Présidente, que votre association participe à cette conférence de consensus. Elle a apporté une contribution appréciable sur laquelle j’ai travaillé dans le détail. Des suggestions sont déjà reprises dans l’action. Elles seront aussi reprises dans les textes de loi à venir.

Je vous rappelle l’engagement du président de la République, parce qu’il est bon d’avoir l’empreinte la plus officielle et la plus solennelle possible. À l’occasion de l’audience solennelle de la Cour de cassation, en janvier 2013, le président de la République a rappelé son attachement à la spécialisation de la justice des mineurs, donc de la justice des enfants. Il a rappelé la nécessité de clarifier et de simplifier cette ordonnance de 1945. Il s’est engagé à ce que ce projet de loi soit examiné dans le courant de l’année 2013. C’est ce que nous allons faire. Je répète que nous allons tenir compte d’une partie de vos propositions. Vous avez tenu à rappeler à quel point les mineurs sont aussi concernés par la prévention de la récidive.

Nous allons travailler sur deux textes de loi. J’ai souhaité les séparer, après avoir hésité compte tenu des difficultés liées au calendrier. J’ai souhaité séparer le projet de loi sur l’ordonnance de 1945 du projet de loi de réforme pénale. Je ne veux pas introduire de la confusion dans la spécialisation de la justice des mineurs. Nous avons, entre autres, supprimé les tribunaux correctionnels pour mineurs. Comme l’a dit le président de la République, nous revenons très clairement à la spécialisation de cette justice pour enfants. Compte tenu des difficultés, il aurait été plus simple de les faire en même temps. J’ai pensé que nous risquions de perdre en lisibilité en confondant les deux textes. Le message de la spécialisation de la justice des mineurs doit être clair. Par conséquent, les deux textes seront séparés.

Pour ce qui concerne le projet pénal, je vous donne juste quelques orientations. Comme je vous l’ai dit, je vais entamer mon deuxième cycle de consultations. Je vous solliciterai. Je conduis moi-même ces consultations. J’ai pu faire un premier cycle de 24 consultations. Après, il a été difficile de continuer. Je reprendrai très prochainement le deuxième cycle. Je vous donne juste les grandes lignes. Nous travaillons encore sur le contenu.

Nous avons supprimé les peines planchers. Nous avons également supprimé la rétention de sûreté. Nous avons travaillé sur l’aménagement des peines, des audiences, sur la récidive. Actuellement, nous travaillons sur une peine de probation. Nous avons quelques difficultés. Je dois le dire. Néanmoins, nous avançons de façon substantielle. Nous gardons à l’esprit le fait que cette peine de probation devra absolument être crédible pour la personne mise en cause, pour la ou les victimes et pour la société. Il faudra que la société française perçoive bien que nous mettons en place une peine en tant que telle, qui devra se suffire à elle-même. Dans le code pénal, nous introduirons des dispositions concernant les réponses judiciaires à apporter au non respect des obligations qui auront été prononcées par le juge.

Nous avons donc avancé. Nous devrions réussir à tenir le calendrier de l’année. Le projet de réforme pénale sera normalement présenté en Conseil des ministres dans le courant du mois de juillet. Nous respectons à peu près le calendrier qui avait été prévu. J’avoue qu’il s’est un peu distendu. Il s’était distendu davantage. Puis, il s’est retendu. C’est extrêmement difficile pour plusieurs raisons. Je peux vous parler avec aisance d’une raison en particulier. Je veux parler des difficultés relatives au calendrier, de l’inscription en Conseil des ministres, de l’inscription dans l’agenda parlementaire. À un moment, ces difficultés m’ont conduite à me demander si je ne devais pas regrouper les deux textes. Les difficultés pour en inscrire un sont tellement compliquées, qu’en inscrire deux, c’est évidemment doubler ces difficultés. Je crois qu’il faut faire prévaloir la lisibilité plutôt que la facilité pratique.

Je sais bien qu’il existe des impatiences. Je vous dirai que j’en partage quelques-unes. Sauf que ma responsabilité n’est pas d’exprimer publiquement mes propres impatiences. Je dois faire en sorte que ce qui doit être fait le soit dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions. Au sein du gouvernement, je fais au mieux pour remplir les engagements, que le président de la République a pris, et que j’ai moi-même réitéré devant vous. J’entends vraiment les tenir ou les faire tenir. J’entends vraiment les tenir ou les faire tenir. J’ai presque envie de répéter cinq fois ! Il faut comprendre les conséquences que cela implique. Ces impatiences sont légitimes. En tout cas, j’estime que celles que je partage le sont.

Toutefois, les difficultés à inscrire des projets de loi ne doivent pas neutraliser toute action. En tout cas, je me suis interdit que rien n’avance au prétexte que nous n’arrivons pas à avancer au rythme souhaité pour l’adoption de ces deux projets de loi. Cela veut dire qu’il faut aussi faire fonctionner la protection judiciaire de la jeunesse, indépendamment du temps nécessaire pour modifier les dispositions législatives. Il faut mieux faire fonctionner la protection judiciaire de la jeunesse.

Au niveau des effectifs, il fallait endiguer l’hémorragie. Cette direction a perdu près de 600 emplois entre 2008 et 2012. Il a fallu y mettre un terme. Nous avons arrêté très clairement la révision générale des politiques publiques. Dès cette année 2013, nous avons consacré moins de la moitié de notre capacité de création d’emplois à la protection judiciaire de la jeunesse. Dès cette année 2013, je fais recruter 205 personnels pour la PJJ, 178 éducateurs, des psychologues et des personnels sociaux, pour que la prise en charge des jeunes soit effectuée très rapidement. Vous savez que la loi prévoit une prise en charge dans un délai de 5 jours. À partir de janvier 2014, nous devrions être en capacité de tenir ce délai dans certaines parties du territoire, et me dit-on, dans la totalité du territoire, mais je veux vérifier. Je vois bien qu’il existe des délais internes aux juridictions. Il existe la question de la transmission des ordonnances. Des délais sont propres à la PJJ. Aujourd’hui, le délai est en moyenne d’une dizaine de jours. Il faut que nous arrivions à comprimer ces délais. Sur le territoire, la situation est assez disparate. En 2013, j’espère que nous arriverons à couvrir l’ensemble du territoire en matière de prise en charge dans un délai de 5 jours. Je ne suis pas formelle. En tout cas, au moins sur une partie du territoire, nous devrions être capables d’appliquer ce délai avant même l’entrée en application de la loi, en janvier 2014.

Puis, j’ai nommé une directrice générale à l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse. Cela faisait plusieurs mois que cette école n’avait pas de directeur général, même si elle tournait et fonctionnait sous l’autorité de la directrice adjointe, qui est une personne tout à fait efficace et performante. Depuis plusieurs mois maintenant… Il faudrait que les dates me reviennent en tête… J’ai nommé la directrice en septembre ou en octobre… En octobre, à l’occasion du soixantième anniversaire de cette école, j’ai nommé une directrice générale. L’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse avait un autre nom, puisqu’elle a commencé sur la base de l’éducation surveillée.

Nous avons donc mis un terme à l’hémorragie qui affectait les effectifs. Du point de vue budgétaire, nous avons également fait des choix clairs. Par exemple, nous avons vu à quel point le service associatif habilité avait été malmené ces dernières années. Entre 2008 et 2012, il a perdu 22% des crédits qui lui étaient dévolus, autrement dit 67 millions d’euros. Nous sommes dans une situation financière contrainte. Ce n’est un mystère pour personne. Nous avons quand même fait un effort. Non seulement nous avons maintenu les crédits, mais nous avons ajouté 10 millions d’euros de façon à commencer à résorber les reports de charges, qui se faisaient d’année en année. Ils atteignaient 35 millions d’euros et fragilisaient les capacités d’intervention du service associatif habilité. Nous savons les services que rendent ces associations dans la prise en charge de nos publics, y compris parfois de nos jeunes un peu difficiles. Ces associations sont présentes. D’ailleurs, j’ai confié une mission à l’Inspection générale des services judiciaires sur les centres éducatifs fermés. J’ai demandé qu’ils apportent une attention particulière aux méthodes utilisées par les associations, qui prennent en charge ces publics. Ce ne sont pas les seules catégories prises en charge par les associations. Nous devons faire un effort particulier pour consolider ces associations. De toute façon, lorsqu’elles sont fragilisées, le service de la justice l’est aussi, parce que nous n’avons pas la capacité d’accueillir autant de personnes. Nos réponses ne sont pas aussi souples. Les associations répondent souvent plus rapidement. Elles mettent en place des dispositifs plus rapidement que l’administration. Elles sont plus souples dans leurs relations avec d’autres partenaires. Les réponses sont plus rapides, plus diligentes que celles de l’administration. Pour nous, il est essentiel de consolider ce secteur associatif habilité. J’y veille particulièrement même si je reconnais que les efforts, que nous avons faits, ne suffisent pas à assainir la situation. En tout cas, nous prenons cet engagement. Budgétairement, il sera plus facile de continuer dans ce sens que de continuer à vivre à crédit sur le dos des associations et à attendre d’elles qu’elles assument, sans aucun moyen, les charges régaliennes qui incombent au ministère de la Justice.

Nous avons également fait des efforts pour améliorer les capacités d’accueil de la PJJ, soit directement, soit à travers le secteur associatif habilité. Je suis très attachée à la diversité. Je vous l’avais dit l’année dernière. Je suis attachée à la diversité des réponses que le ministère de la Justice doit mettre au service des juges des enfants. La décision prononcée par le juge ne doit pas être dépendante d’une offre déséquilibrée en matière de réponse ou d’hébergement. L’essentiel concerne aujourd’hui le milieu ouvert. Les résultats sont tout à fait encourageants, même stimulants. Je pense que nous pouvons encore les améliorer. Grâce au travail des éducateurs, grâce à la pertinence avec laquelle les magistrats prononcent les décisions, nous avons, en milieu ouvert, des résultats tout à fait encourageants.

Nous devons mettre à la disposition des magistrats des offres diverses. Nous avons fait des efforts sur pratiquement toutes les catégories d’offres. Je vais commencer par une offre qui ne va de toute façon pas susciter des applaudissements dans cette enceinte. Nous avons ouvert 4 centres éducatifs fermés pendant le semestre de l’année 2012. Cette démarche était déjà engagée dans le budget 2012 sur une base que je trouve absolument perfide. En fait, ce n’était pas des créations de CEF. Des foyers classiques ont été transformés en CEF. Nous avons maintenu les 4 transformations. Elles étaient trop avancées pour revenir au foyer classique. Cela aurait coûté de l’argent public que nous n’avions pas. En même temps, le président de la République s’était engagé à créer des centres éducatifs fermés. Nous avons maintenu les 4 transformations. Elles étaient trop avancées pour être impunément interrompues. Par contre, nous avons immédiatement arrêté la transformation des foyers classiques. J’ai tout de suite décidé d’arrêter ces transformations. En 2012, 14 foyers sont restés des foyers classiques. Ils offrent un hébergement collectif.

En 2013, nous avons ouvert 4 centres éducatifs fermés. Ensuite, je vous l’ai dit. Il s’agit de l’une des premières mesures que j’ai prise. J’ai confié une mission à l’Inspection générale des services judiciaires sur les centres éducatifs fermés de façon à faire le point sur ces établissements. Il faut comparer les différences éventuelles de gestion des établissements. Sur 42 établissements, 9 sont à la charge de la protection judiciaire de la jeunesse. Les autres sont à la charge du secteur associatif habilité, dont je parlais, et qui a été tellement maltraité. Il faut analyser les éventuelles différences au niveau de la gestion et de l’encadrement. Il existe des différences. Vous le savez. En PJJ, en secteur public, 24 professionnels de l’encadrement s’occupent d’une douzaine de jeunes. Dans le secteur associatif, 27 professionnels de l’encadrement s’occupent du même nombre de jeunes. Le rapport m’a été rendu. Nous avons commencé à y travailler. Je ferai connaître publiquement les préconisations du rapport. Des propositions sont tout à fait intéressantes sur le nombre de CEF à ouvrir, sur les méthodes et l’encadrement. Les coordinations doivent être mieux articulées. Des propositions sont tout à fait intéressantes. Évidemment, je m’interdis de rendre public le contenu de ce rapport tant que le président de la République n’a pas procédé à l’arbitrage nécessaire sur cette question des CEF.

Il faut souligner une difficulté. Ces dix dernières années, le pouvoir politique a essentiellement travaillé sur la question du contour. Il a élaboré des méthodes pour contenir de façon serrée les CEF. Nous l’avons vu et nous le voyons encore. D’une certaine façon, les CEF sont presque devenus le paradigme de la réponse au besoin de prise en charge des jeunes en difficulté. De façon assez significative, cela a fragilisé l’identité des établissements d’hébergement collectif. En tout cas, tel est mon sentiment. J’ai décidé qu’il fallait travailler sur ces hébergements collectifs. Il faut mieux concevoir les projets. Il faut mieux les faire voir et entendre. Il faut mieux les faire exécuter. Ces établissements doivent retrouver une identité forte. Ils doivent faire apparaître qu’ils accueillent beaucoup plus de jeunes que les CEF, qui semblent être la réponse au besoin d’hébergement et d’accueil des jeunes pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse. Nous avons commencé à travailler avec ces établissements. Je pense que nous améliorons de plus en plus leur visibilité. Nous améliorons la visibilité de leur mission vis-à-vis des jeunes qu’ils accueillent et l’efficacité de leur méthode.

Nous avons également amélioré la capacité d’accueil des foyers classiques. Je vous l’ai dit. Nous les avons maintenus et quelques-uns seront ouverts. Nous avons également augmenté le nombre de familles d’accueil. Elles sont passées de 340 à 410. Nous nous sommes associés aux services de 70 familles d’accueil. Nous avons évidemment amélioré l’indemnisation journalière. Nous l’avons fait passée de 30 à 36 euros. Surtout, nous travaillons avec les familles d’accueil. La PJJ travaille avec ces familles de façon à leur faire voir l’estime que nous avons pour le service qu’elles rendent en acceptant d’accueillir des jeunes. Nous devons aussi rationaliser et homogénéiser les méthodes d’accueil. Il ne faut pas perdre de vue que la dimension subjective et affective est importante. Ces dimensions doivent être laissées, pour une large part, à la libre appréciation, perception et intuition des familles, qui accueillent ces jeunes. Chaque jeune est singulier. Il n’existe aucune réponse standard. Il existe des réactions et des anticipations. Un jeune a sa personnalité, son tempérament, un comportement, un rapport avec sa situation et les faits qui l’ont conduit à se trouver dans cette famille d’accueil. Il faut laisser une marge. En même temps, il est nécessaire que ces familles se sentent soutenues par l’administration de la protection judiciaire de la jeunesse.

Dans la prochaine loi sur l’ordonnance de 1945, nous introduirons une double temporalité. Nous introduirons une temporalité courte. Il est nécessaire d’estimer, d’évaluer et de prononcer la culpabilité sur les faits, d’établir les faits. En même temps, des mesures civiles devront concerner les victimes. Il est important que le rapport aux victimes soit très clair pour les mineurs. L’une des priorités budgétaires vise l’ouverture de bureaux d’aide aux victimes dans tous les tribunaux de grande instance. Avant notre arrivée, une cinquantaine de bureaux d’aide aux victimes existaient dans les TGI. J’ai décidé d’en ouvrir dans tous les TGI sur l’année 2013. Nous avons déjà ouvert une cinquantaine de bureaux d’aide aux victimes. D’ici la fin de l’année, nous tiendrons l’engagement d’avoir un bureau d’aide aux victimes dans chaque TGI. Cela devrait faciliter les relations et l’accompagnement des victimes.

Nous avons effectué un travail interministériel extrêmement important. Avec des moyens financiers limités, des moyens budgétaires contraints, il faut être un peu inventif. Il faut voir ce que nous pouvons mutualiser. Ce travail interministériel nous a permis d’amplifier notre capacité de réponse. Les jeunes mineurs ayant fait l’objet d’une mesure pénale pourront intégrer le dispositif qui s’appelle « la garantie jeunes ». Ce dispositif est mis en œuvre par les missions locales. Il concerne des jeunes âgés de 18 à 25 ans. Il s’agit d’un contrat ‘‘emploi et formation’’ d’un an renouvelable. Il s’adresse à des jeunes à faible qualification. Lorsque ces jeunes se retrouvent sans aucune ressource, ils ont droit à l’équivalent ‘‘jeune’’ du RSA, soit à 447 euros. Ce dispositif sera expérimenté dans une dizaine de départements, à partir de septembre 2013. Il s’agit d’apporter une réponse à ces jeunes. Depuis 2009, l’assistance sociale individualisée n’existe plus. Elle a été supprimée. Au sujet du contrat civique, vous vous souvenez aussi de l’introduction de critères sélectifs. Ils limitent l’accès à ce contrat pour ces jeunes. Nous avons donc créé une réponse. Elle s’adressera à ces jeunes de 18 à 25 ans.

De plus, vous savez que nous travaillons sur la question de la prise en charge des jeunes majeurs. Depuis plusieurs mois, je fais travailler des gens sur cette question, et notamment sur la base de la recommandation du Conseil de l’Europe concernant la prise en charge de ces jeunes majeurs. Ils feront une proposition législative. Je fais étudier cette question. Nous pourrons inclure d’éventuelles modifications législatives dans le cadre du projet de loi sur la modification de l’ordonnance de 1945. D’une certaine façon, nous rétablissons l’ordonnance de 1945.

Tous ces chantiers sont en cours. Au quotidien, il faut apporter une réponse durable. Il faut assurer la qualité du service. J’attends beaucoup de la direction de la PJJ. Il faut valoriser les résultats que nous obtenons en milieu ouvert. Nous obtenons ces résultats grâce aux magistrats qui décident, grâce aux éducateurs qui prennent correctement les jeunes en charge. Nous avons du travail à faire en matière de prévention. J’ai aussi développé le partenariat avec l’Éducation nationale. Je pense aux classes relais. Nous avons des résultats tout à fait encourageants. Il existe une mobilisation. Je me suis beaucoup déplacée sur le territoire. J’ai visité des établissements. J’ai visité des ateliers. Des professeurs en formation technique sont très dévoués. Il est intéressant de voir comment les jeunes s’inscrivent dans ces dynamiques, dans ces dispositifs. Une relation de confiance rétablit l’autorité. Le jeune retrouve l’estime de lui-même. D’une certaine façon, il se remet en marche.

Nous devons regarder tout cela avec une certaine exigence, comme nous le demande la Cour des comptes. Nous le faisons déjà. Je ne peux pas encore vous parler du contenu de son rapport car il est encore en phase préparatoire, mais il sera rendu public. Nous vous remettrons un résumé ou une synthèse. Vous aurez connaissance de l’essentiel des dispositions et des préconisations. Il existe une convergence. Le travail des magistrats pour enfants est en lien notamment avec celui de votre association, des associations et de la direction de la PJJ. J’établis des exigences. Nous devons être efficaces dans la prise en charge des jeunes, y compris des jeunes difficiles. Il faut du courage moral et du courage politique. Dans le pays, un discours sécuritaire sans nuance est de retour. Il faut avoir le courage de rappeler que ces mineurs, que ces enfants sont tout simplement des enfants de France. Ce sont les nôtres. Ils sont notre avenir. Par conséquent, nous devons mettre toutes les chances de leurs côtés. Nous devons les accompagner. Nous devons prendre la vraie mesure des actes qu’ils ont commis. Nous devons les accompagner pour les sortir soit des parcours de délinquance, soit du risque qu’ils partent dans un parcours de délinquance.

Ainsi, il faut sortir de la logique qui prédomine depuis quelques années. Ces jeunes les plus difficiles ont servi, d’une certaine façon, à élaborer les politiques publiques. Ces dernières années, les pouvoirs publics ont considéré ces jeunes en difficulté d’une manière particulière. Ils ont défini ces jeunes comme étant sans foi ni loi, sans dieu ni mère, sans père ni repère, comme des jeunes absolument irrécupérables. Sur cette base, ils ont défini une politique publique. Les CEF ont pris une grande importance au point d’occulter les autres réponses. Nous ne voulons pas d’une telle démarche. Les CEF ne doivent plus être une réponse emblématique. Au contraire ! Évidemment, ces jeunes présentent des difficultés majeures. Certains sont des délinquants d’une grande violence. Nous sommes parfois saisis par certains actes, mais ces actes sont exceptionnels. Il faut rappeler que ces actes sont exceptionnels. Ces situations sont exceptionnelles. Parfois, nous sommes saisis mais nous refusons la capitulation. Dans un premier temps, nous sommes saisis, mais nous refusons de faire comme si nous ne pouvions pas comprendre. Nous refusons de révoquer la raison. Nous refusons de nous enfermer dans l’hébétude. De même, nous refusons, comme pour nous excuser d’une certaine façon, de faire de ces cas exceptionnels une référence, un standard pour élaborer des politiques publiques. Nous devons faire face le mieux possible mais nous devons en reconnaître le caractère exceptionnel.

En effet, nous devons avoir le courage d’élaborer des politiques publiques qui répondent à la majorité des situations. Dans la majorité des situations, les jeunes sont en difficulté. Ils sont confrontés à des circonstances de vie, à des environnements, à des situations, qui les exposent eux-mêmes au danger. Cela n’excuse pas les actes de violence qu’ils peuvent produire, mais cela nous permet de mieux comprendre, et donc de mieux concevoir la réponse à apporter. Nous devons mieux concevoir l’accompagnement à mettre en place. Nous devons mieux associer ce jeune dans l’élaboration responsable du projet, qui sera conçu pour lui et avec lui. Ce jeune doit sortir de ce parcours et revenir dans la société. Il doit se respecter lui-même, respecter les autres, respecter les règles. Pour nous, c’est essentiel.

Avec vous, nous apportons quelques réponses. Nous essayons de le faire avec rigueur. Par exemple, cette rigueur se traduit par l’évaluation de la politique de la protection de la jeunesse. Sur les 40 politiques publiques, qui seront évaluées, cette évaluation est déjà en cours. J’ai décidé de nommer un sénateur en mission. J’ai sollicité le premier ministre, car il doit signer la lettre définitive. Moi, j’ai signé la première lettre. Monsieur Jean-Pierre MICHEL évaluera la loi de 2007, son application, le partage entre le pénal pour la PJJ et l’enfance en danger pour les départements. Nous travaillons avec les départements.

Je sais que vous avez des interrogations sur les mineurs étrangers isolés. J’ai pris en charge ce dossier dès le mois de juin de l’année dernière. J’ai pris deux fois une décision de prolongation de la convention permettant la prise en charge de ces mineurs étrangers isolés. Dès le mois de septembre, j’ai mis en place avec l’Association des départements de France, un groupe de travail chargé de trouver une solution pérenne à cette question de la prise en charge, sur l’ensemble du territoire, de ces mineurs isolés. Le protocole a été élaboré. Je l’ai signé. Il a été signé par l’Association des départements de France. Deux autres ministères sont concernés. L’un de ces ministères a souhaité un délai supplémentaire pour expertiser les dispositions. J’espère que ce protocole pourra, sous peu, être complètement signé et mis en application. Nous avons déjà entendu certains présidents de Conseils généraux nous expliquer qu’il n’était, pour eux, pas question de s’inscrire dans ce dispositif. Ils refusent de prendre en charge des mineurs isolés étrangers. Nous ferons le travail qu’il conviendra pour l’application de ce protocole.

Voilà l’essentiel ! Pardon, je crois avoir été un peu longue. Pardon d’avoir abusé de votre patience et de votre attention. J’espère avoir répondu à l’essentiel de vos questions. Je vous exprime à nouveau ma confiance. Je salue le travail que vous effectuez, magistrats pour enfants, éducateurs et militants. Il faut vous appeler par votre nom. Les militants associatifs se dévouent à la prise en charge de ces jeunes publics. Je suis très disposée à faire confiance à ces jeunes, d’abord par éthique - ma génération est responsable vis-à-vis de la suivante - ensuite par expérience. Vendredi, j’étais à Istres pour le Challenge Michelet. J’ai passé plusieurs heures avec ces jeunes. Certains m’ont récité des poèmes, d’autres du slam. Nous avons échangé. Des ateliers présentaient différents métiers. Certains montraient, leurs yeux tout pétillants, leur intérêt pour certains métiers. Je pense qu’il y a beaucoup plus à recueillir de la prise en charge et de l’accompagnement de ces jeunes. Certains se métamorphosent très rapidement lorsque nous leur ouvrons des perspectives, lorsque nous leur parlons avec respect, lorsque nous leur exprimons notre confiance. Bien sûr, nous n’occultons pas le fait qu’ils sont entre nos mains, parce qu’ils ont fauté. Il faut les inviter à dépasser cela. Il faut leur dire qu’ils n’ont rien perdu ni de notre respect, ni de notre estime, ni de notre affection, mais qu’ils auront droit à toute notre sévérité tout le temps où ils nous laisseront douter de leur capacité à se prendre en charge. Ils seront de futurs adultes. Ils doivent devenir des citoyens libres et responsables. Je pense qu’il y a beaucoup plus à recueillir là. Pour ma part, j’y prends un grand bonheur, pour tout vous dire. Je sais tout le travail que vous faites au quotidien. Je suis persuadée que nous avons cette valeur essentielle en partage. Je sais que les chants des hommes sont plus beaux qu’eux-mêmes, plus lourds d’espoir et plus durables. Merci à tous.