Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire
Publié le 24 janvier 2017
Discours de Jean-Jacques URVOAS, garde des sceaux, ministre de la justice
Installation de la Commission « Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire »
Chancellerie – Mardi 24 janvier 2017
Seul le prononcé fait foi
Il est des occasions, qui créent un enthousiasme réel et qui ouvrent des perspectives intellectuelles stimulantes.
De fait, je vous remercie vivement d’être présents aujourd’hui, pour un moment aussi important que l’installation d’une commission devant conduire à la publication d’un Livre blanc consacré à l’administration pénitentiaire.
Celle-ci assume en effet une mission singulière dans notre démocratie.
Nous avons conçu les prisons pour sanctionner – et non punir ou affliger comme d’aucun le souhaitent – et surtout pour préparer le retour vers la société.
De ce point de vue, l’univers pénitentiaire est donc une institution qui prépare l’avenir.
Ce qui veut dire que l’enfermement n’est pas en soi une atteinte à la dignité humaine, sans pour autant être souhaitable ou constitué un horizon pour l’humanité.
Le rapport sur l’encellulement individuel ne poursuivait qu’un seul objectif : mettre fin au surpeuplement carcéral, en garantissant l’encellulement individuel.
Je ne suis pas dans le « tout carcéral » ; ce qui m’importe, ce qui doit tous nous importer, c’est la réinsertion. C’est-à-dire la politique d’’avenir que j’évoquais à l’instant.
Construire des prisons pour couler du béton n’aurait aucun sens ; construire des prisons pour mieux réinsérer, tel est mon objectif.
Cela appelle une évolution notable :
La prison doit être conçue en ayant en tête la réinsertion, et pas seulement la dimension punitive.
Cette réflexion nous oblige aussi à repenser la place géographique de la prison, à revoir son architecture, à questionner de son mode de gestion...
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus attendre. Il est temps d’aller au-delà des clivages partisans et d’établir un diagnostic partagé.
Je vous remercie donc d’avoir accepté de participer à un travail d’intérêt général, qui ne peut donc être partisan.
Je remercie en particulier Jean-René Lecerf qui a accepté de prendre la présidence de la commission ; vous dont Robert Badinter disait que la loi pénitentiaire de 2009 devait portait votre nom. Et merci également, au rapporteur général Patrick MOUNAUD.
Le livre blanc vient d’une idée très simple : il existe pour la défense et la sécurité nationale. Son intérêt :
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Le fait de construire un diagnostic partagé
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Et le fait que ce travail rassemble tous ceux qui s’intéressent au sujet, - peu importent les positions qu’ils défendent - ; par essence la confrontation rapproche de la vérité.
J’ai la conviction que ce travail sera utile pour la prochaine législature :
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D’abord, parce qu’il nous fera gagner du temps
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Ensuite, parce qu’il doit contribuer à apaiser le débat politique
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Enfin, parce qu’il nous invite à ne pas porter un regard manichéen sur ces questions.
Incarcérer n’est pas incompatible avec les autres sanctions à la disposition du magistrat.
Si je prends l’exemple de la contrainte pénale, il s’agit d’une alternative à la prison. Nous avons d’ailleurs mis à la disposition de cet outil un certain nombre de moyens, notamment en termes de recrutements. Nous faisons tout pour que les magistrats puissent la prononcer.
A l’égard de ce travail, je l’ai dit, mon attente est que vous puissiez élaborer une doctrine architecturale, en réfléchissant à la manière de construire pour mieux réinsérer.
Mon expérience en qualité de président de la commission des lois m’a appris la nécessité de bâtir le consensus. Sans ce consensus, rien ne pourra être fait, rien ne pourra jamais changer.
Il s’agit donc d’une démarche en direction du Parlement, avec le Parlement.
Je souhaite aussi que ce travail soit conduit dans un esprit de consultation le plus large possible, dans le délai imparti et contraint. Les auditions extérieures seront précieuses pour nourrir les travaux et bâtir le consensus.
Ministre, je sais mon action par principe limitée dans le temps.
En arrivant place Vendôme, j’ai fait le choix de ne pas m’inscrire dans le temps que les cycles politiques me donnent.
Car je ne travaille pas pour un parti, je travaille avant tout pour l’œuvre de justice, pour le gouvernement du pays, pour nos concitoyens.
La durée de l’action ne dépend pas de son initiateur, elle dépend des conditions de sa naissance.
C’est très bien ainsi ; il faut avoir une vision de long-terme, il n’y a que de cette manière que nous pourrons construire durablement l’avenir.