Inauguration du centre de détention Tatutu de Papeari, Polynésie

Publié le 22 mars 2017

Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des sceaux, ministre de la justice

Le lundi 20 mars 2017

2017.03.20 - Discours - Inauguration du centre de détention Tatutu de Papeari Polynésie française.pdf PDF - 135,11 Ko

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Seul le prononcé fait foi

Inaugurer un établissement et installer son chef ne sont pas des actions anodines dans la vie d’un Garde des Sceaux.

En outre, accomplir cela en Polynésie a une résonnance particulière :

Ä Car cela permet de manifester la présence de l’Etat sur l’ensemble de ses territoires en tenant compte de leurs irréductibles spécificités ;

Ä Car, si je ne connais pas le Fenua aussi bien que je le voudrais, je me sens profondément attaché à votre territoire, à ses habitants, aux questions qui s’y rattachent ;

Ä Car c’est l’occasion de retrouver les parlementaires qui, à Paris, défendent si ardemment les questions polynésiennes.

Maïna Sage, que j’ai accueilli à la Commission des lois à la fin juin 2014.

Lana Tetuanui dont la voix forte sait captiver l’attention de la commission des lois du Sénat.

Ä Car cela va permettre de désengorger le centre de Faa’a grâce aux 410 places offertes.

J’avais découvert ce centre lors de mon premier déplacement sur le territoire.

Les images restent gravées dans ma mémoire.

Un confinement insupportable, des douches où se développaient les moisissures, et la température très élevée dans les cellules.

Et en même temps, il m’avait rarement été donné l’occasion de constater un fonctionnement aussi apaisé au regard des conditions.

Cette approche humaine empreinte de respect – qui n’excluait pas la fermeté – contribuait sans doute à atténuer les tensions inhérentes à la surpopulation du CP et à maintenir le calme qui m’avait frappé.

Il est heureux que l’ouverture de Tatutu ouvre enfin la possibilité d’entamer les projets de rénovation devenus indispensables tant Nuutania a vieilli et s’est dégradée sous le poids de la surpopulation.

C’est une longue histoire qui se termine donc aujourd’hui.

Une histoire humaine qui ne fut possible que grâce à l’addition d’énergies et de volontés.

Ø Ainsi le terrain n’aurait pas pu être acheté au ministère de la Défense sans l’action bienveillante du contre-amiral Frédéric Maurice, qui était entre 2006 et 2008 Commandant supérieur des Forces armées.

Son aide n’était pas acquise par anticipation, il a su faire preuve d’une grande bénévolence et d’un parfait sens du service de l’Etat.

Ø Je veux aussi rappeler l’action résolue de la directrice Martine Boisson.

Avec ses équipes polynésiennes, elle a su développer une indispensable pédagogie en organisant notamment des visites de Nuutania et en participant à des réunions publiques sur le terrain.

Que tous ceux qui participèrent à ces efforts et qui sont ici aujourd’hui soient remerciés.

Dès l’origine, vous avez compris l’opportunité que représentait ce projet pour :

à Les conditions de travail des personnels pénitentiaires,

à Les conditions d’incarcération pour les personnes détenues,

à L’emploi en Polynésie car les recrutements induits mais aussi pour l’économie liée à son fonctionnement.

Merci ainsi d’avoir à l’époque traduit en tahitien la lettre que le haut-commissaire Adolphe Colrat avait adressée à Taaroanui Maraea, président de l’église protestante ma’ohi.

Nul doute que cela compta pour obtenir son soutien décisif dans la mise en œuvre du projet.

De surcroit, une telle initiative démontre la capacité d’adaptation de l’administration d’Etat et son attachement aux langues régionales qui résonne pour le breton que je suis !

Ø Que le président Maraea soit donc également remercié pour sa clairvoyance !

Car le projet ne débutait pas sous les meilleurs auspices.

Il avait même vu se constituer un front du refus.

La chose est courante : la construction d’un établissement pénitentiaire soulève souvent inquiétudes et réticences.

Ä Je le constate avec le programme encellulement individuel que je viens d’annoncer.

Sa concrétisation va naturellement débuter par des acquisitions de terrains qui viennent d’être choisis.

Parfois les maires notamment y sont hostiles.

Il va donc nous falloir rassurer afin de bâtir un consensus, comme les équipes de Nuutania ont su le faire.

Il faut avouer que le site choisi est magnifique et qu’il convenait de ne pas le défigurer.

Il a fallu un vrai talent, celui de l’architecte Alain Bretagnolle pour intégrer nos contraintes architecturales dans ce cadre splendide.

Bravo aussi à l’entreprise Léon Grosse qui a su concrétiser les choix architecturaux.

Mais une prison, ne se résume à ses bâtiments ou à ses occupants.

Ä Elle vit surtout grâce aux personnels qui s’y dévouent.

Or j’ai une grande confiance dans les personnels qui vont être affectés ici.

Ø D’abord parce que je connais une partie d’entre vous.

Nous sommes croisés une première fois lors des répétitions du défilé du 14 juillet sur la base de Satory.

Vous aviez alors surpris le général commandant les troupes par votre impeccable prestation.

Ø Puis nous sommes revus place Vendôme, au ministère de la Justice, le 13 juillet dernier, la veille du défilé sur les Champs-Elysées.

Une première pour l’administration pénitentiaire qui, je l’espère devrait se reproduire.

A cette occasion, le Président de la République avait tenu vous saluer et nous avait la surprise de passer à la Chancellerie.

Ø Puis, lendemain, je vous ai vu défiler.

J’ai été fier de vous, fier de notre administration, fier pour mon pays et en particulier pour la Polynésie.

Ø Enfin, nous nous sommes revus à l’ENAP, le 6 octobre avec le Premier ministre Manuel Valls.

Il se rappelle encore le haka et les danses que vous aviez préparés pour lui !

Au final, je constate que vous êtes parmi les rares personnels de la pénitentiaire a avoir rencontré en quelques semaines le Président et le Premier ministre !

Je ne pouvais pas faire plus, c’est pourquoi je suis venu tout seul pour cette nouvelle rencontre.

Et puis, je savais que j’allais retrouver le Président Edouard Fritch, qui vient de faire un aller-retour à Paris pour signer avec François Hollande, les très précieux accords de Papeete.

Edouard Fritch est un avocat inlassable des intérêts de tous les polynésiens.

Par sa persévérance et son enthousiasme méthodique, il est un des atouts majeurs pour l’avenir de ce territoire.

Mesdames et messieurs,

De Paris, j’ai suivi ce chantier.

Je sais les retards qui l’ont frappé et les sacrifices que cela a représenté pour vous et vos familles.

Cela vous a imposé de demeurer en métropole plusieurs semaines de plus.

Là encore, vous avez été exemplaires, malgré les légitimes frustrations de vos conjoints et de vos enfants.

Aujourd’hui, vous êtes dépositaires d’un défi, maîtres d’un outil moderne au service d’une mission régalienne qui participe de l’égalité entre tous les citoyens français : l’œuvre de Justice.

Vous ne servez pas dans n’importe quelle administration.

Votre métier ne ressemble à aucun autre.

Ø Il porte une signification particulière.

Ø Il occupe, dans notre société, une fonction singulière.

Les hommes ont inventé la justice pour pouvoir dépasser la violence.

Voilà pourquoi l’univers pénitentiaire est une institution qui prépare l’avenir.

Vous faites partie de ceux dont la fonction est de rendre possible la vie commune.

Car le temps de la prison doit être un temps utile.

Puisque chaque peine porte un horizon de réhabilitation.

Et que c’est vous qui en êtes les gardiens.

C’est pourquoi notre pays a besoin de vous.

Je vous remercie.

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