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Retour sur la gestion de crise provoquée par l’ouragan Irma

Publié le 27 février 2018

Le procureur de la République de Basse-Terre, Samuel FINIELZ, s’exprime sur son retour d’expérience des actions menées pour maintenir la continuité du service public tout en répondant aux besoins des victimes frappées par l’ouragan Irma en septembre 2017.

Retour sur la gestion de crise provoquée par l’ouragan Irma © DR

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L’installation rapide du comité local de l’aide aux victimes (CLAV) a été jugée comme essentielle par les autorités locales et a démontré, au fil des semaines, son opérationnalité. Assez rapidement dans la phase de gestion de crise, il a été décidé de créer et réunir le comité local d’aide aux victimes de Saint-Martin. Pourquoi ? Quelles en étaient vos attentes ?

Depuis leur création en avril 2017, les CLAV sont compétents en matière d'aide aux victimes de terrorisme, d'accidents collectifs mais aussi, et c'est une nouveauté, de catastrophe naturelle. Les équipes de FRANCE VICTIMES se sont rapidement positionnées pour renforcer sur place l'association locale d'aide aux victimes TRAIT D'UNION. Le CLAV devait absolument, comme instance de coordination, tirer profit de cette présence renforcée de juristes, psychologues, assistante sociale pour définir une doctrine de prise en charge des sinistrés.

Créer et réunir rapidement le CLAV n'a pas été facile. Nous étions toujours en phase de crise. On a du mal à se rendre compte de ce que cela signifie, mais le territoire était entièrement sinistré, et il ne s'agit pas que des particuliers, il s'agit aussi des services de l'Etat, des agents. Pour le service public de la Justice, le Palais était hors d'usage et des magistrats et fonctionnaires étaient eux-mêmes sinistrés. La mission première de la préfète était de subvenir aux besoins vitaux des sinistrés (eau, nourriture, logement) et la mienne, avec la présidente de la juridiction, de rétablir le fonctionnement du service public de la Justice, dans un contexte de forte tension pénale liée aux pillages.

La situation de l'association locale d'aide aux victimes, TRAIT D'UNION, était elle aussi difficile. Cette association n'était constituée, au moment du passage d'Irma, que de bénévoles, dont deux véritablement actifs. Elle n'était habilitée par le Ministère que depuis 18 mois. Son président était, à titre personnel, sinistré. Les locaux de l'association ont été dévastés par le cyclone. Pourtant, il était aussi essentiel de s'appuyer sur TRAIT D'UNION qui bénéficie d'une vraie légitimité locale.

Avec la préfète de Saint Martin, vous aviez en charge la coordination de l’action des services publics en matière d’aide aux victimes. Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées et les priorités d’action que vous vous êtes fixées ?

La première difficulté a été d'imposer le CLAV dans un contexte de crise majeure et de faire comprendre à l'ensemble des partenaires que les attentes des sinistrés en matière de soutien psychologique, d'appui juridique et d'accès aux droits, allaient devenir essentielles dès que nous sortirions de la phase crise.

La seconde difficulté tenait à la situation que je viens de décrire de l'association TRAIT D'UNION. Il était fondamental de lui donner les moyens de fonctionner, d'accueillir les volontaires France VICTIMES. Cette association est le bras armé du CLAV, nous ne pouvions fonctionner sans elle.

Je dois dire que nous avons pu compter à la fois sur la mobilisation et l'engagement de son président, sur celle du réseau France VICTIMES, sur le SADJAV et la DIAV. La mobilisation humaine, financière et matérielle de toute cette chaîne a été essentielle pour permettre à TRAIT D'UNION de se relever.

La troisième difficulté a été la capacité des services publics à répondre aux attentes des sinistrés. Nous devions absolument prendre le moins de retard possible par rapport aux attentes de la population au risque autrement d'être confronté à une crise sociale majeure.

Nos priorités étaient donc les suivantes :

  • donner à TRAIT D'UNION et au réseau FRANCE VICTIMES les moyens de poser un diagnostic objectif des attentes des sinistrés et de débuter leur prise en charge ;

  • adapter l'action des services publics aux attentes des sinistrés.

Cinq mois après la catastrophe, le comité local d’aide aux victimes s’est déjà réuni à 5 reprises. La synergie entre les différents acteurs est-elle optimale ? Quels sont les projets que le CLAV va devoir porter dans les semaines à venir ?

Ses travaux ont été particulièrement fructueux. Nous avons mis en place l'annuaire, quelques jours après la première réunion. Les équipes de TRAIT D'UNION/FRANCE VICTIMES ont ainsi pu avoir des référents opérationnels dans chaque service public avec un point d'entrée dédié. Les différents services ont mis en place des permanences à SAINT MARTIN mais aussi en GUADELOUPE, quand ils n'avaient plus d'agents ou de locaux sur place pour traiter les demandes. Les cas les plus urgents, identifiés par les équipes d'aide aux victimes ont ainsi pu être pris en compte.

La collectivité de SAINT MARTIN s'est mobilisée pour offrir à TRAIT D'UNION des lieux de permanence.

Les équipes de TRAIT D'UNION/FRANCE VICTIMES, grâce aux permanences mises en place dans les quartiers et aux maraudes, ont pu poser un diagnostic objectif et professionnel des attentes des sinistrés et du fonctionnement des services publics. Ce diagnostic était de surcroît légitimé par le "mandat judiciaire" qu'ils avaient et notre présence au CLAV. Ce diagnostic, qui a donné lieu à des échanges parfois difficiles, mais toujours constructifs, a permis d'identifier de nombreuses difficultés, de les traiter en local ou en régional, voire de les faire remonter au SADJAV et à la DIAV.

Le CLAV a travaillé sur la question de la proximité des services publics dans des quartiers très défavorisés de SAINT MARTIN. Deux Maisons de service au public vont ainsi être créées, dans des structures provisoires, dans les deux quartiers prioritaires de SANDY GROUND et de QUARTIER D'ORLEANS. Ces MSAP seront armées par des volontaires service public et par TRAIT D'UNION qui y tiendra des permanences.

Enfin, le CLAV a travaillé en lien avec le Conseil d'accès aux droits de SAINT MARTIN. Ce conseil, qui s'est réuni dernièrement, a décidé de la création de trois points d'accès aux droits à SAINT MARTIN, dont deux seront localisés dans les MSAP. La coordination entre les deux instances est vraiment optimale. C'était indispensable parce que l'aide aux sinistrés de catastrophe naturelle, quand un territoire est dévasté, au-delà du soutien psychologique, c'est aussi et surtout de l'accès aux droits.

Un certain nombre de départements n’ont pas encore installé leur CLAV. Que leur diriez-vous pour les convaincre de le faire ?

Le CLAV n'est pas qu'une commission administrative supplémentaire. Sa grande force est qu'il permet de mobiliser l'ensemble des services publics autour d'objectifs communs. Il est là pour structurer l'aide aux victimes et confronté aux crises majeures que sont les attentats terroristes, les accidents collectifs ou les catastrophes naturelles, il fera rapidement ses preuves comme instance opérationnelle et décisionnelle.