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Violences faites aux femmes
Publié le 01 juillet 2020 - Mis à jour le 03 mars 2023
« La Justice et tous les acteurs ont fait bouger les lignes »
Isabelle Rome, haute fonctionnaire à l’égalité femmes hommes du ministère de la Justice revient sur les avancées dans le combat contre les violences faites aux femmes en soulignant l’efficacité des partenariats noués et la nécessaire mobilisation de tous pour faire reculer ce fléau.
L’égalité femmes/hommes a été déclarée grande cause du quinquennat par le chef de l’Etat en 2017. La lutte contre les violences faites aux femmes s’est-elle, depuis, renforcée ?
Les lignes ont effectivement beaucoup bougé. Cela a permis de positionner ce sujet comme une des problématiques au cœur de notre société et fait évoluer à la fois pratiques et législation. Le Grenelle des violences conjugales, organisé par le Gouvernement l’an dernier, a donné lieu à de nombreuses mesures concrètes : bracelet anti-rapprochement pour les auteurs de violences conjugales, mise en place de filières d’urgence au sein des tribunaux… Bientôt les notions d’emprise et de « suicide forcé » feront leur entrée dans le code pénal. La Justice a contribué, pour une large part, à toute cette évolution.
L'ordonnance de protection est entrée en vigueur il y a maintenant une dizaine d’années. Peut-on en dresser un bilan ?
Il s’agit d’un dispositif particulièrement protecteur tant pour la victime que pour les enfants. Mais cette mesure ne paraît pas suffisamment identifiée et utilisée bien qu’on constate une légère augmentation des demandes en 2019 (4000) par rapport à 2018 (3600). Il faudrait qu’elle soit mieux connue des citoyens et des associations qui accompagnent les femmes victimes de violences. Les avocats pourraient la solliciter davantage. Elle pourrait aussi être plus massivement octroyée par les juges, comme en Espagne. Cela passe notamment par le renforcement de l’offre de formations -pluridisciplinaires et de proximité- et par le fait qu’elle soit prononcée plus rapidement. La garde des Sceaux a d’ailleurs très récemment installé un Comité national de pilotage de l’ordonnance de protection afin d’avancer sur ce dossier.
Les juridictions jouent-elles un rôle particulier ?
Depuis plusieurs années elles se sont beaucoup engagées contre les violences conjugales. Aujourd’hui encore elles se mobilisent par la mise en place de projets de juridictions autour de cette thématique. Un traitement judiciaire efficace des violences intrafamiliales passe par un décloisonnement des différents services (notamment entre le parquet et le siège), à tous les stades de la procédure. Il faut vraiment plus de fluidité dans le circuit de traitement de ces violences. Je souhaite souligner l’implication totale des juridictions dans le traitement des violences conjugales durant le confinement. Ainsi, les procureurs ont fait procéder à de nombreux déferrements et l’éviction du conjoint violent a été la mesure la plus prononcée durant cette période.
La Justice n’est sans doute pas seule ? Qui sont ses partenaires sur le terrain ?
En la matière la Justice ne peut rien faire seule. Il est effectivement important de travailler en étroite collaboration avec les forces de l’ordre, les autres services de l’Etat et les collectivités territoriales. Et, bien sûr avec tout le réseau associatif, qu’il s’agisse de France Victimes ou des associations spécialisées dans l’accompagnement des femmes victimes de violences comme les fédérations nationales Solidarité femmes ou CIDFF- ou encore la fondation des femmes. Il faut y ajouter les avocats et les commissaires de Justice qui sont aussi des maillons essentiels d’une protection efficace des victimes.
Partout en France l'institution judiciaire se mobilise et multiplie les initiatives pour lutter contre les violences conjugales. De très nombreuses juridictions ont ainsi mis en place sur le plan local desdispositifs complets à l’égard des victimes et des auteurs.
Retrouvez notre série d'entretiens avec quatre d'entre elles :
le TJ de Toulouse, qui peut aujourd'hui anticiper la sortie du condamné pour mieux évaluer sa dangerosité et accompagner les victimes à préparer cet événement anxiogène ;
le TJ de Colmar, où les auteurs de violences se voient imposer un stage auprès d'éducateurs pour les aider à prendre la mesure de leurs actes ;
le TJ d'Avesnes-sur-Helpe, où les audiences consacrées à ces violences sont réunies au sein d' « audiences conjugales » qui permettent également aux prévenus ainsi groupés de prendre collectivement conscience des souffrances endurées par leurs victimes ;
le TJ de Valenciennes, qui a mis en place un dépôt de plainte simplifiée dès l'hôpital afin de démarrer l'enquête au plus vite et soulager la victime de la culpabilité de se déplacer devant les forces de l'ordre.
Pour en savoir plus
Rapport-Les-violences-conjugales-pendant-le-confinement-EMB-23.07.2020.pdf
Lire le rapport de la MIPROF les violences conjugales pendant le confinement: evaluation, suivi et propositions.