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"Les Fleurs du mal" ou l’outrage à la morale publique

Publié le 14 août 2020 - Mis à jour le 11 juillet 2024

Le 21 juin 1857 paraît le recueil « Les Fleurs du mal » de Charles Baudelaire. La presse, choquée, s’offusque. Le procureur général ordonne la saisie des exemplaires du recueil de poèmes. Un mois plus tard, s’ensuivront procès et condamnation. Retours sur les tensions entre littérature et justice sous le Second Empire.

Visuel procès historiques ©DR
Visuel procès historiques

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« Outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs »

Recueil de poésie moderne, écrits amoureux et surtout récit d’une époque, "Les Fleurs du mal" est jugé comme scandaleux à Paris. Le 20 août 1857 s’ouvre devant la sixième chambre correctionnelle de la Seine le procès de Charles Baudelaire et de ses éditeurs.

Le réquisitoire est prononcé par Ernest Pinard, qui n’était autre que le procureur général dans le procès intenté au roman de Flaubert "Madame Bovary" pour les mêmes raisons quelques mois plus tôt. Il accuse la poésie de Baudelaire de manquer "au sens de la pudeur" et en outre de multiplier "les peintures lascives". Il attaque non seulement le fond, mais aussi la forme.

Pour la défense, maître Chaix d’Este d’Ange plaide l’indépendance de l’artiste et la beauté de l’œuvre. Cela ne suffira pas à convaincre la morale de l’époque. Circonstance aggravante, Baudelaire a également une réputation de marginal et se présente devant la cour dans une tenue négligée.

En quelques heures, le recueil est condamné pour "délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs", en raison de "passages ou expressions obscènes et immorales". Le poète et ses éditeurs sont contraints à payer une amende de 100 francs chacun et de retirer six poèmes du recueil s’ils souhaitent poursuivre sa vente à Paris.

Littérature et censure

Dans le contexte social de l’époque, le procès intenté contre Charles Baudelaire est tout à fait banal. Sous le Second Empire, la justice engage régulièrement des poursuites contre les  hommes de lettres dont elle juge les écrits immoraux. Pourtant, le XIXe siècle témoigne d’un certain libéralisme, d’une société de loisirs en construction et de mœurs relâchées.

Toutefois, l’opinion publique - soutenue par la multiplication des titres de presse - conçoit les écrivains comme suspects. Alors que finalement, à l’image de Flaubert ou de Baudelaire, ils ne font preuve que d’un réalisme frappant et d’une analyse dérangeante de l’époque.

Finalement, plus de 50 ans après l’abolition de la censure par la Révolution Française, le procès des "Fleurs du mal" ravive la question de la liberté d’expression. La presse foisonne et pourtant ne soutient que très peu les écrivains. Au contraire, les journalistes attirent surtout l’attention de la justice sur des écrits considérés comme obscènes.

Baudelaire dira que « le livre doit être jugé dans son ensemble, et alors il en ressort une terrible moralité » et fera appel à ses amis - Aristide Briand ou encore Prosper Mérimée pour l’appuyer dans la presse. Néanmoins, la campagne à son encontre sera virulente. Le procès qui en découlera sera concis, tranché et finalement banal.

Il faudra attendre presque un siècle plus tard pour que la cour de cassation annule la condamnation des "Fleurs du mal" en 1949. 84 ans après la mort de Baudelaire, le recueil connaîtra finalement une réédition de son œuvre originale.