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L’affaire Richard Roman

Publié le 04 juillet 2019

Le 28 juillet 1988, Richard Roman, un marginal, avoue un crime qu’il n’a pas commis. Malgré ses rétractations, l’histoire est en marche. Retour sur un crime odieux qui a enflammé l’opinion publique et fait déraper l’appareil judiciaire

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Les faits
Le 26 juillet 1988, Céline Jourdan, 7 ans, est torturée, violée et assassinée à La Motte du Caire (Alpes-de-Haute-Provence). Richard Roman, individu au comportement étrange, rejeté par le voisinage, est très vite suspecté ; de même que Didier Gentil, également marginal, que Roman héberge et emploie comme ouvrier agricole. Gentil a été confié très tôt à la DDASS et placé jusqu’à sa majorité dans une dizaine de foyers d’accueil. Socialement inadapté, pratiquement illettré, sa vie est émaillée de vols et de fugues. Il a été aperçu, le soir des faits, aux côtés de la petite fille. Quant à Richard Roman, il est passé au café que tient le père de Céline. Les deux hommes sont mis en garde à vue le 27 juillet. Gentil, confondu par des traces de sang retrouvées sur ses sous-vêtements, avoue le viol et désigne Roman comme étant le meurtrier. La découverte de haschich au domicile de Roman permet au procureur d’ouvrir une information pour infraction à la législation sur les stupéfiants. La garde à vue est ainsi prolongée. Quarante-deux heures plus tard, Roman avoue : « J’ai tué et et j’ai violé Céline ». Il se rétracte le lendemain dans le bureau du juge et interroge son avocate :« Quand est-ce que je sors ? ».
Les deux hommes sont alors inculpés d’assassinat, de séquestration, de viol aggravé avec tortures et d’actes de barbarie.

Une instruction chaotique
Cinq juges d’instruction se succèdent en deux ans. En juillet 90, le dernier magistrat s’appuie sur l’article 177 du Code de procédure pénale pour prononcer un non-lieu. « Aucune charge suffisante » ne corrobore la culpabilité de Roman. Après 27 mois de détention provisoire, l’inculpé quitte donc la prison des Baumettes. La presse s’indigne qu’on libère l’un des deux « monstres », « barbares » comme elle les nomme.
L’opinion publique, convaincue de la culpabilité de Richard Roman, réclame le rétablissement de la peine de mort, abolie en 1981. Les avocats de la partie civile font appel en s’appuyant sur différents témoignages. En novembre, la chambre d’accusation ordonne un supplément d’information et annule le non-lieu. Le premier président de la Cour d’appel renvoie alors Roman devant la cour d’assises et le place à nouveau en détention en avril 1991 « pour [faire cesser le] trouble à l’ordre public que sa libération a causé ainsi que pour sa propre protection ». Un climat particulièrement délétère entoure l’affaire.

La vérité au grand jour
Le procès s’ouvre le 30 novembre 1992. Lors des audiences, un témoin revient sur sa déposition, affirmant que les gendarmes l’ont forcé à modifier son témoignage initial pour ne pas « aider un salaud ». Les autres témoins reconnaissent avoir menti « pour ne pas se désolidariser de la famille » et pour se conformer à l’« opinion générale ». Pressé par son défenseur, Gentil revient sur ses déclarations et assume seul le crime. Le procureur de la République demande l’acquittement de Roman. Gentil est condamné à la perpétuité avec une peine de sûreté de 28 ans. Roman, acquitté, est libéré le 19 décembre 1992.

«  Démoli socialement et relationnellement » selon ses propres termes, Richard Roman est retrouvé mort à son domicile en juin 2008 après avoir absorbé un mélange de médicaments et de stupéfiants.
 « L’innocenté n’a jamais pu être innocent » a écrit la journaliste Dominique Conil.

Marion Légal

M2/Institut Français de Presse