[Archives] Ordonnance portant réforme du droit de la filiation

Publié le 04 juillet 2005

Pascal Clément a présenté en Conseil des ministres l'ordonnance portant réforme du droit de la filiation

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6 minutes

Communiqué

Fiche filiation

Fiche exemples

Monsieur Pascal CLEMENT, garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté le 4 juillet 2005 en Conseil des ministres une ordonnance portant réforme du droit de la filiation

Cette ordonnance, prise sur le fondement de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, modifie le droit de la filiation et le réorganise selon un plan clair fondé sur des critères nouveaux, conférant au code civil plus de cohérence, de concision et de lisibilité. Ainsi, le nombre des articles du code civil consacré à la filiation est en effet réduit de moitié.
Conformément aux termes de la loi d'habilitation, l'ordonnance tire les conséquences de l'égalité entre les enfants quelles que soient les conditions de leur naissance. Elle abandonne les notions de filiations légitime et naturelle, qui avaient perdu toute portée juridique et pratique depuis que le législateur avait consacré l'égalité parfaite entre les enfants quelle que soit leur filiation.
Les conditions d'établissement de la maternité sont harmonisées. La filiation maternelle sera établie par la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant, qu'elle soit mariée ou non, et sans qu'elle ait besoin de faire la démarche de reconnaissance. En revanche, la présomption de paternité du mari, qui établit automatiquement la filiation à son égard est conservée. Les pères non mariés devront toujours reconnaître l'enfant pour établir le lien de filiation.
La possession d'état, c'est-à-dire la prise en compte, par le droit de la filiation, de la réalité affective et sociale révélant la filiation, est mieux définie et les conditions dans lesquelles elle produit effet sont mieux encadrées. Enfin, le régime des actions judiciaires relatives à la filiation est simplifié.
La prescription de dix ans remplacera, à défaut d'un délai plus court, la prescription trentenaire. Ainsi, il sera possible de faire établir en justice la maternité ou la paternité durant les dix ans suivant la naissance, l'action étant rouverte à l'enfant pendant les dix ans suivant sa majorité.
En matière de contestation d'un lien de filiation légalement établi, le projet remplace par un régime commun et simple le dispositif actuel qui se caractérise par une très grande complexité et une très grande diversité des délais (de 6 mois à 48 ans). Ainsi le lien de filiation sera d'autant plus difficilement contestable qu'il aura été confirmé par la possession d'état. Lorsque la possession d'état aura duré cinq ans aucune contestation ne sera plus recevable.

La réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2006.

Contacts presse

Conseillers pour la presse et la communication du garde des Sceaux,
ministre de la Justice
Sophie CHEVALLON Guillaume DIDIER
01 44 77 63 39 01 44 77 22 02

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FICHE FILIATION

Dans les conditions prévues de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à modifier par ordonnance les dispositions du code civil relatives à la filiation, afin de :

1. tirer les conséquences de l'égalité de statut entre les enfants quelles que soient les conditions de leur naissance ;
2. unifier les conditions d'établissement de la filiation maternelle
3. préciser les conditions de contestation de la possession d'état
4. harmoniser le régime procédural de l'établissement judiciaire de la filiation
5. sécuriser le lien de filiation
6. préserver l'enfant des conflits de filiation
7. simplifier et harmoniser le régime des actions en contestation

1. Tirer les conséquences de l'égalité de statut entre les enfants quelles que soient les conditions de leur naissance

Le droit de la filiation est marqué par une évolution profonde des modes de vie (40% de naissances surviennent hors mariage). En conséquence, les lois des 3 décembre 2001 (successions) et du 4 mars 2002 (nom et autorité parentale) , en consacrant le principe de l'égalité entre enfants, ont unifié les statuts indépendamment des conditions de leur naissance. Cette évolution rend désormais sans objet la distinction des filiations légitime et naturelle, qui sera formellement supprimée au profit de critères techniques, plus lisibles et plus pertinents. La présomption de paternité du mari ne sera pas pour autant remise en cause, ni étendue au profit du père non marié.

2. Unifier les conditions d'établissement de la filiation maternelle

E l'état du droit, l'indication du nom de la mère dans l' acte de naissance de l'enfant ne suffit pas à établir la filiation à son égard, lorsque celle-ci n'est pas mariée.

Il sera mis fin à cette situation source d'incompréhension.

L'indication du nom de la mère dans l'acte de naissance, qui demeurera facultative, établira la filiationà son égard, évitant ainsi à la mère non mariée d'avoir à accomplir la démarche supplémentaire qui constitue la reconnaissance de l'enfant dont elle a accouché.

3. Préciser les conditions de constatation de la possession d'état

La possession d'état est devenue un mode d'établissement autonome de la filiation naturelle en 1982, sans que son régime juridique soit organisé il en résulte un vide juridique, source de difficultés et d'incertitudes.

Afin de sécuriser ce mode d'établissement, la possession d'état sera établie par un acte de notoriété délivré dans des délais précis et adaptés.
En outre, par soucis d'efficacité et de simplification, la compétence relative à la délivrance de l'acte de notoriété sera confiée au juge aux affaires familiales.

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FICHE EXEMPLES

Etablissement de la filiation

1) En l'état du droit, une femme non mariée doit reconnaître son enfant pour que la filiation soit établie à son égard. Il arrive, en pratique, du fait de l'ignorance par la mère de cette obligation, que le lien de filiation ne soit pas légalement établi.

Après la réforme, la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant établira automatiquement la filiation quelle que soit sa situation. Elle n'aura donc plus besoin de reconnaître son enfant.

2) Lorsqu'une personne n'a pas été reconnue par son père, elle peut faire établir le lien de filiation par un acte de notoriété délivré par le juge des tutelles, sur la foi de trois témoignages attestant de ce que le père prétendu s'est comporté comme tel.

Cet acte peut être délivré sans limitation dans le temps et rien n'interdit donc que la filiation soit établie des années après le décès de son auteur. Une telle situation est source d'insécurité juridique, notamment lorsque la succession a déjà été partagée entre les autres héritiers : ce partage est alors remis en cause.

Désormais, la délivrance de l'acte de notoriété sera encadrée dans un délai de cinq ans à compter de la cessation de la possession d'état. La filiation ne pourra donc plus être constatée par ce moyen plus de cinq ans après le décès.

3) Lorsque le père n'a pas reconnu l'enfant et ne s'en occupe pas, l'enfant n'a le droit d'engager une action en recherche de paternité que jusqu'à l'âge de 20 ans. Passé ce délai, aucun moyen ne permet de faire établir la paternité contre la volonté du père. En revanche, si l'enfant désire faire établir judiciairement la maternité, il dispose de 30 ans à compter de sa majorité.

Qu'il s'agisse de la paternité ou de la maternité, il est prévu que l'enfant pourra agir jusqu'à l'âge de 28 ans, afin de disposer de la maturité suffisante pour engager une telle action.

Contestation du lien de filiation

1) En cas de reconnaissance inexacte ou de complaisance (que le père soit de bonne ou de mauvaise foi), la mère ou l'enfant peuvent, même si le père s'est occupé de l'enfant, contester sa paternité pendant 30 ans. Le père dispose, dans ce cas, d'un délai de 10 ans à compter de la reconnaissance pour la contester.

Après la réforme, la reconnaissance pourra être contestée pendant 10 ans à compter de celle-ci par toute personne intéressée lorsque le père ne se sera pas occupé de l'enfant. Ce dernier pourra également agir dans les 10 ans suivant sa majorité.

Lorsque le père se sera occupé de l'enfant, seuls lui-même, la mère, l'enfant ou celui qui prétend être le véritable père pourront agir pendant cinq ans. Une fois ce délai de cinq ans écoulé, plus personne ne pourra remettre en cause la filiation.

2) Aujourd'hui, lorsqu'un enfant est déclaré à l'état civil au nom du mari et que ce dernier l'élève, il n'existe que deux situations dans lesquelles la paternité peut être contestée : par le mari pendant six mois ou par la mère si elle se remarie avec le véritable père avant que l'enfant n'ait atteint l'âge de sept ans.

A l'avenir, les mêmes règles s'appliqueront que pour la contestation de la reconnaissance : le mari comme l'épouse pourront contester la paternité pendant cinq ans, sans que cette dernière ait l'obligation d'être remariée avec le père. Celui-ci, tout comme l'enfant, pourront également agir dans le même délai.