[Archives] Projet de Loi de Finances pour 2007

Publié le 16 novembre 2006

Discours de Pascal Clément, ministre de la Justice, garde des Sceaux a l'Assemblée Nationale

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7 minutes

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,


Voilà cinq ans que la Justice est entrée dans une nouvelle ère. La représentation parlementaire avait pris l’engagement devant les Français de renforcer les fonctions régaliennes de l’Etat et de fournir un effort significatif en faveur de la Justice.

Elle l’a fait : le budget de la Justice a augmenté de près de 1,8 milliards d’euros, soit 38% de plus qu’à la fin de la législature précédente, grâce à la Loi d’Orientation et de Programmation de la Justice que vous avez votée.

Cette année encore, le budget de la Justice augmente de 5%, après 4% en 2005 et 4,6% en 2006. Il s’élève au total à 6,271 milliards d’euros, ce qui représente 2,34% du budget de l’Etat. Je rappelle qu’il n’était que de 1,69% en 2002.

Ces moyens conséquents serviront à respecter ce triple engagement que le gouvernement prend aujourd’hui devant vous : la modernisation, l’accessibilité et l’efficacité de la Justice.

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La modernisation, tout d’abord, parce que la Justice avait le besoin de responsabiliser ses acteurs.

En témoigne ainsi la maîtrise nouvelle des frais de justice. Ils connaissaient une augmentation de 15 à 20% par an et avaient atteint 487 millions d’euros en 2005. Ils seront en 2006 conformes aux prévisions, soit environ 420 millions d’euros.

Ce changement de mentalités et de procédures a été rendu possible par la très forte implication des chefs de cour, des magistrats et fonctionnaires de justice qui gèrent, de manière décentralisée les budgets des juridictions, dans le souci de l’économie et de la performance.

J’avais assuré que cette maîtrise ne se ferait pas au détriment de la liberté d’initiative des magistrats et de la recherche de la vérité. Je crois pouvoir affirmer que nous y sommes arrivés.

Dans la continuité de cette démarche de modernisation, je souhaite que la Justice s’appuie sur les nouvelles technologies pour être plus performante. J’ai ouvert, pour l’année qui vient, un chantier important : celui de la numérisation des procédures pénales. Il s’agit en effet de profiter de l’évolution des technologies pour assurer une plus grande fluidité dans le déroulement de ces procédures et l’accès en temps réel aux dossiers, tant pour les magistrats que pour les auxiliaires de justice.

D’ici la fin d’année, plus d’une centaine de tribunaux de grande instance seront choisis pour la première vague de cette numérisation, dont la mise en œuvre sera progressive.

Enfin, l’ensemble des juridictions et les principaux établissements pénitentiaires devraient être équipés en visio-conférence d’ici la fin de cette année. Cette modernisation génèrera des économies importantes en termes de déplacements d’experts et de magistrats, notamment dans les DOM-TOM, mais également en matière de transfèrement de détenus. Elle permettra, notamment lors des auditions des détenus, de limiter les risques liés à ces déplacements.

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Je souhaite également que la Justice soit plus accessible pour tous les citoyens.

L’accès au droit doit être favorisé et, tout particulièrement, le droit à disposer d’un avocat pour les plus démunis.
Sur ma proposition, le Premier ministre a décidé un effort important en faveur des crédits de l’aide juridictionnelle qui progresseront de 6,6 % soit 20 millions d’euros. Il s’agit là d’un effort financier conséquent dans un contexte budgétaire toujours contraint.
Sur ces 20 millions d’euros, plus de 16 millions sont consacrés exclusivement à la revalorisation de l’unité de valeur, qui permet de fixer la rétribution des avocats. Le solde permet de financer la poursuite des actions d’amélioration d’une défense de qualité engagées avec de nombreux barreaux, compte tenu de la stabilisation du nombre d’admissions à 881 000 bénéficiaires. Le budget total de l’aide juridictionnelle sera ainsi de 323 millions d’euros en 2007.

Depuis 2001 plusieurs réformes sont venues améliorer la rétribution de l’avocat au titre de l’aide juridictionnelle par des revalorisations de l’unité de valeur et par une revalorisation du barème de leurs interventions. Il ne serait donc pas complet de ne se référer qu’à la seule augmentation du montant de l’unité de valeur.

Ces réformes ont abouti à une revalorisation de plus de 50 % de la contribution de l’Etat aux missions d’aide juridictionnelle depuis 2001.

L’accessibilité de la justice doit aussi concerner les victimes, en leur garantissant une prise en charge concrète. Ainsi, la forte progression des crédits destinés aux associations d’aide aux victimes depuis 2002 a permis d’augmenter de 38% le nombre de victimes suivies, soit plus de 100 000 en 2005.

Près de 3,7 millions d’euros seront consacrés au développement de l’accès au droit, par l’intermédiaire des maisons de la justice et du droit et des conseils départementaux de l’accès au droit.

Ces structures sont en effet désormais présentes dans quasiment tous les départements. Les Maisons de la Justice et du Droit ont vu leur nombre passer de 43 en 2002 à 118 en 2005.

L’accessibilité signifie aussi de continuer à réduire les délais de justice qui, trop souvent, empêchent nos concitoyens de se tourner vers l’institution judiciaire. Les délais moyens de traitement dans les juridictions du premier degré ont déjà été réduits de 28%, passant en moyenne de 9,4 à 6,7 mois. Il nous faut maintenant aller encore plus loin.

C’est pourquoi, au-delà des efforts de modernisation entrepris, la Justice a besoin de recruter de nouveaux personnels. Les crédits inscrits dans le PLF pour 2007 nous permettront de recruter 1 548 emplois supplémentaires. Sur la législature, cela signifie que 7 700 emplois nouveaux auront été créés. Cet effort est considérable. En 2007, il permettra aux juridictions d’augmenter leurs effectifs de 160 magistrats et de 360 personnels de greffe supplémentaires afin de rendre notre système judiciaire plus efficace.


Je souhaite enfin que l’année 2007 soit pour la justice, placée sous le signe de l’efficacité.

La Protection Judiciaire de la Jeunesse voit ses crédits augmenter très fortement cette année, à hauteur de +8,6%, au bénéfice de tous les modes de prise en charge. Elle sera renforcée par le recrutement supplémentaire de 290 agents spécialisés dans les métiers de l’éducation et de l’insertion.

Ils auront à cœur de répondre aux nouvelles formes de délinquance des mineurs sur l’ensemble du territoire national. Pour y contribuer, 20 Centres Educatifs Fermés supplémentaires ouvriront cette année, portant le nombre de places disponibles dans ces établissements à 465 fin 2007.

L’administration pénitentiaire bénéficiera de 703 emplois supplémentaires en 2007. Ils permettront notamment de recruter les 458 agents nécessaires à l’ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires.

En effet, les années 2002 à 2006 ont été des années de construction et de réhabilitation.

En 2007, commenceront les années de mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires et des palais de justice. Les opérations de rénovation se poursuivront. L’investissement du Ministère de la Justice dans ce programme immobilier représentera en effet 1,1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement.

Parmi ces crédits, 890 millions d’euros permettront à l’administration pénitentiaire de respecter l’objectif de la LOPJ de créer 13 200 places réparties sur trente établissements afin de faire face à la surpopulation carcérale et à la vétusté de certains établissements.

Notre pays disposera ainsi d’environ 60 000 places conformes à nos besoins quantitatifs et adaptés aux nouvelles règles pénitentiaires européennes. Six établissements pénitentiaires pour mineurs seront livrés en 2007 et le septième début 2008.

Dix établissements pour détenus majeurs sont d’ores et déjà lancés dans le cadre de contrats en partenariat public-privé, les PPP. L’ensemble des établissements prévus par la LOPJ sera construit d’ici 2010.

L’effort immobilier se poursuivra également pour les juridictions grâce à un programme de construction-rénovation de 190 millions d’euros.

Ces recrutements et ces constructions nous permettront d’assurer la bonne exécution des décisions de justice.

Déjà, en quatre ans, le taux de réponse pénale a augmenté de plus de 10 %, la justice apportant une réponse pénale dans 78% des dossiers qui lui sont transmis. Pour les mineurs, ce taux est aujourd’hui de 86%. J’ajoute que notre politique active de diversification de la réponse pénale a permis d’accroître le nombre de mesures alternatives aux poursuites de 45%, rendant la justice plus effective.

L’an dernier, j’avais fait, de la mise en place des bureaux d’exécution des peines, l’une de mes priorités pour 2006. Aujourd’hui, 67 BEX ont été créés dans les tribunaux de grande instance. Cette mesure sera généralisée à tous les Tribunaux de Grande Instance d’ici la fin de l’année. Leur implantation sera étendue aux tribunaux pour enfants afin d’assurer une réponse pénale plus efficace à l’égard des mineurs.

Je souhaite également tout mettre en œuvre pour éviter les «sorties sèches» de prison, sans suivi et sans soutien adapté. Ainsi, nous devons poursuivre nos efforts en faveur des mesures d’aménagements de peine, qui ont augmenté à 27% entre 2003 et 2005. A la fin de l’année 2007, nous compterons, en particulier, près de 3.000 placements simultanés en bracelet électronique fixe.

Les juges pourront également recourir progressivement au bracelet électronique mobile qui permet de concilier protection de la société, respect des victimes et réinsertion des condamnés à de longues peines ou présentant un risque de récidive. Une quinzaine de placements sera réalisée dans ce cadre d’ici la fin de cette année.


Mesdames et Messieurs les Députés,

Le budget de la Justice est un budget ambitieux qui répond aux défis auxquels est confrontée l’institution judiciaire. La Justice aura les moyens de s’atteler aux trois engagements que je prends devant vous : la modernisation, l’accessibilité et la réforme.

Le mois prochain, nous prendrons ensemble un nouvel engagement, celui de la réforme de la justice, pour apporter les premières réponses au drame de l’affaire Outreau sur lequel nombre d’entre vous se sont penchés.

Ainsi, nous pourrons mieux lutter contre les détentions provisoires injustifiées, renforcer les droits de la défense et moderniser le régime de la responsabilité des magistrats.