[Archives] Projets de construction et de rénovation des palais de Justice
Publié le 26 février 2003
Communication en conseil des ministres
La loi d'orientation et de programmation pour la justice, votée le 3 août et promulguée le 9 septembre 2002, donne au ministère de la justice les moyens budgétaires nécessaires à son action et fixe les objectifs prioritaires qui répondent à la très forte attente de nos concitoyens en termes de sécurité et de justice.
Une ambitieuse programmation pénitentiaire visant à la construction d'établissements neufs et d'établissements pour mineurs a été présentée au mois de novembre 2002.
Parallèlement, un effort important doit être engagé pour la construction et la rénovation des palais de justice. Les bâtiments judiciaires sont aujourd'hui trop souvent inadaptés au service que les justiciables sont en droit d'attendre et au cadre de travail des magistrats, fonctionnaires et auxiliaires de justice confrontés depuis des années à une augmentation croissante des contentieux sans moyens nouveaux.
C'est aujourd'hui une responsabilité éminente de l'Etat que de doter l'institution judiciaire de moyens immobiliers rénovés, à la hauteur de sa place dans la société. Il n'est pas inutile de rappeler que les lois de décentralisation ont transféré à l'Etat (à compter du 1er janvier 1987) un patrimoine judiciaire très important jusqu'alors propriété des collectivités locales.
Les besoins se sont donc considérablement accrus ces dernières années et le ministère de la justice est confronté à un véritable défi en matière d'équipements judiciaires.
Des moyens budgétaires exceptionnels sont inscrits au volet programmation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (I). Ces ressources doivent être mises au service d'objectifs immobiliers ambitieux, tant quantitatifs que qualitatifs (II) selon une méthode originale propre à garantir une utilisation optimale des moyens (III). La situation particulière du TGI de Paris relève d'une approche spécifique (IV).
I UN EFFORT FINANCIER EXCEPTIONNEL
L'effort entrepris depuis une dizaine d'années a été renforcé de façon significative. Les 277 millions d'euros d'autorisations de programme, prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la justice pour les services judiciaires permettent de porter à 1 227 millions d'euros l'effort global sur cinq ans pour la construction et la rénovation des palais de justice. Par rapport au volume d'autorisations de programme ouvertes de 1998 à 2002 (511,9 millions d'euros), il y a de ce fait une progression de l'enveloppe de près de 150%.
II DES OBJECTIFS DE PROGRAMMATION JUDICIAIRE AMBITIEUX
Le patrimoine immobilier du ministère de la justice est considérable :
1 200 juridictions implantées sur 750 sites. Ce patrimoine se présente de façon très hétérogène et de nombreux bâtiments sont aujourd'hui en mauvais état ou inadaptés au service d'une justice moderne, ou les deux à la fois. La situation est d'autant plus obérée que l'on a très peu construit au 20ème siècle. La plupart des édifices judiciaires actuels sont issus d'une intense période de construction datant du 19ème siècle.
Depuis une quinzaine d'années la chancellerie a entrepris une ambitieuse politique de construction. Plus de 4,5 milliards de Francs (680 ME) ont été consacrés dans un passé récent aux palais de justice dans le volet équipement de la loi de programme 1995-1998. Près d'une vingtaine de Palais, nouveaux ou rénovés, ont été livrés depuis, pour ne citer que les opérations les plus importantes.
Il s'agissait alors d'opérer, souvent dans l'urgence, les rattrapages rendus nécessaires par l'obsolescence des équipements.
La poursuite des efforts d'investissement doit s'amplifier durant la période 2003-2007.
L'objectif poursuivi par cette politique, dont j'entends bien accroître l'efficacité et la célérité, c'est d'abord et avant tout de doter l'institution d'équipements modernisés. Qu'il s'agisse de réhabiliter d'anciens édifices dont on conserve l'enveloppe historique, ou de construire de nouveaux palais de justice, il nous faut répondre aux nouvelles exigences des juridictions : mieux accueillir et informer le justiciable, donner des espaces et des moyens aux magistrats, fonctionnaires et auxiliaires de justice afin qu'ils puissent rendre une justice de qualité, dans des délais plus courts et dans de meilleures conditions. L'équipement judiciaire doit ainsi s'inscrire dans une logique d'efficacité récemment illustrée par la signature des contrats d'objectifs passés avec les Cours d'appel de Douai et d'Aix-en-Provence par Monsieur le Garde des Sceaux.
Il convient également d'améliorer la sécurité des bâtiments et des personnels judiciaires en organisant, notamment, la gestion des détenus et de l'activité pénale des juridictions dans des conditions de sûreté optimisées.
Les récentes évolutions de l'organisation judiciaire doivent être intégrées aux nouveaux programmes, notamment :
- la progression des effectifs et la création, sur 5 ans, de 3 300 postes de juges de proximité voulus par Monsieur le Président de la République.
- les guichets uniques de greffe pour mieux accueillir et orienter les justiciables.
- les aménagements d'espaces d'attente, mieux placés, à proximité des cabinets des juges.
- des salles d'audience mieux conçues et propices à la pacification des conflits.
- des lieux de réunion, des plateaux de bureaux modernes, équipés d'outils informatiques performants, de nature à assurer de bonnes conditions de travail aux utilisateurs.
Aller dans le sens de l'efficacité, c'est donc avant tout concevoir et réaliser des palais de justice plus adaptés à la nature et à la spécificité des juridictions, plus compréhensibles pour les justiciables, plus fonctionnels et modernes pour les magistrats, les fonctionnaires et les auxiliaires de justice.
Il est aussi nécessaire de donner par l'architecture une dimension symbolique à l'institution. Les palais de justice doivent concilier, d'une part la représentation de l'autorité de l'Etat Républicain et de l'éminente fonction de juger, et d'autre part l'accessibilité du citoyen à la justice proche et humaine à laquelle il aspire.
Pour autant, la réussite de cette politique suppose la définition d'une méthode de programmation rigoureuse, propre à satisfaire les besoins autant qu'à utiliser de façon optimale les disponibilités budgétaires.
III UNE APPROCHE METHODOLOGIQUE ORIGINALE DE LA PROGRAMMATION JUDICIAIRE
Pour quantifier et définir des priorités, une démarche de programmation pluriannuelle a été mise en œuvre au début des années 1990. Fondée sur l'élaboration de 26 schémas directeurs départementaux, la méthode combinait plusieurs critères tirés notamment de l'activité des juridictions, de l'expertise du patrimoine existant et de l'évaluation à terme des besoins. Ce travail a servi de base à la loi de programme de 1995 et a permis de définir des priorités entre les opérations à lancer. Depuis bientôt 10 ans, aucune mise à jour significative de ces données n'a été faite…
Il convient aujourd'hui de rompre avec cette dérive empirique et parcellaire, et d'inscrire la programmation dans une logique d'ensemble, à l'échelon national, fondée sur des critères objectifs.
L'extrême diversité du patrimoine et des besoins locaux, accentue la difficulté de la démarche et exclut tout parallèle avec ce qui a pu être entrepris dans le domaine pénitentiaire.
Une démarche cohérente peut s'organiser autour de 2 axes concomitants : la définition d'un programme 2003 dans un souci d'immédiate opérationnalité et l'élaboration d'un nouveau programme pluriannuel.
S'agissant du programme 2003, il convient tout à la fois de poursuivre (avec le cas échéant les adaptations nécessaires) les opérations lancées, d'activer les opérations en phase préliminaire (programme fonctionnel établi et scénario immobilier avéré) en désignant un maître d'œuvre et de lancer les études préliminaires des opérations au stade de l'intention qui correspondent à un besoin identifié. Il est essentiel de veiller à l'équilibre constant de ces trois catégories d'opérations afin de s'assurer de la régularité de la consommation des crédits. Il convient également d'utiliser au mieux les capacités de réalisation du ministère en matière de programmes immobiliers.
Dans le même temps, il n'est pas moins nécessaire de définir un nouveau programme pluriannuel d'investissement dont le premier volet consiste à mettre à jour les 26 schémas directeurs réalisés il y a 10 ans et le second à réaliser des schémas pour les départements qui n'en sont pas encore pourvus.
C'est cette méthode, que j'entends mettre en œuvre en utilisant en synergie les moyens du Ministère (Direction des Services Judiciaires, Direction de l'administration générale et de l'Equipement, Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice) et en les renforçant pour certains d'entre eux, qui doit permettre de répondre aux besoins immobiliers futurs de l'institution judiciaire.
L'importance de l'enjeu et l'extrême diversité des situations locales doit également conduire, pour les opérations les plus simples, à privilégier chaque fois que possible l'échelon déconcentré (recours aux antennes régionales de l'équipement, opérations gérées par les DDE, recours aux compétences techniques des collectivités territoriales soit au moyen de mandats de maîtrise d'ouvrage soit en utilisant la maîtrise d'ouvrage complète prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure).
La grande hétérogénéité du patrimoine immobilier de la justice trouve une illustration patente avec le Palais de Justice de PARIS qui constitue, par ses caractéristiques uniques, une question qui relève d'une approche spécifique.
IV LE PROJET DE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS : UNE APPROCHE SPECIFIQUE.
Monsieur le Président de la République a, le 10 janvier dernier, à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation, rappelé la nécessité de doter le Tribunal de Grande Instance de PARIS de locaux adaptés à l'importance de sa mission. C'est une priorité de l'action immobilière conduite par le garde des sceaux et le secrétaire d'Etat.
La situation est aujourd'hui si dégradée que les juridictions siégeant historiquement dans l'enceinte de l'actuel Palais de Justice se sont éparpillées sur une multitude de sites dans des conditions préjudiciables au fonctionnement de la justice et lourdement dispendieuses. A terme, l'évolution des effectifs de magistrats et fonctionnaires rendra la situation plus intolérable encore qu'elle ne l'est aujourd'hui. Il s'agit donc de " donner au TGI de PARIS des locaux dignes de la très grande Juridiction qu'il est ".
La dimension exceptionnelle de ce projet nécessitera la mobilisation de moyens financiers et techniques adaptés à l'enjeu. Dans l'immédiat, une équipe de préfiguration à vocation opérationnelle sera mise en place.
Avant l'été 2003, un comité d'orientation associant l'ensemble des acteurs concernés du monde judiciaire et des utilisateurs du palais aura vocation à suivre le projet de Tribunal de Grande Instance, et la restructuration concomitante des espaces libérés dans le Palais historique.
Enfin, comme l'a indiqué Monsieur le Président de la République au début de cette année, un établissement public, dont le décret institutif sera soumis au printemps à l'examen du Conseil d'Etat, permettra de piloter un programme particulièrement complexe et d'un enjeu capital pour la justice de notre pays. L'importance du sujet conduira à confier la présidence de cet établissement public de plein exercice à une personnalité éminente dont l'autorité sera indiscutable.
Une expertise est d'ores et déjà en cours, au sein de la direction des services judiciaires, afin d'actualiser les besoins à l'horizon 2020 et de définir une première analyse des surfaces nécessaires. Pour donner un ordre d'idées, je rappellerai que le schéma directeur établi en 1997 avait conclu à la nécessité de doter la juridiction de 100 000 mètres carrés de surface hors oeuvre.
Sans attendre la création de l'établissement public, et sur la base des prévisions de besoins établies par la DSJ, le Secrétariat d'Etat reste attentif aux opportunités foncières susceptibles de se présenter. La localisation d'un lieu adapté à la dimension du projet et à ses exigences propres constitue, en effet, une des conditions de sa réussite.
CONCLUSION :
La programmation judiciaire s'inscrit donc en parfaite harmonie avec les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice promulguée le 9 septembre 2002. La modernisation des équipements, obéissant à des critères objectifs et inscrite dans une démarche pluriannuelle, doit contribuer à l'amélioration attendue de l'efficacité de la justice au service des citoyens. C'est aussi un moyen de rapprocher la justice des justiciables.