Inauguration du tribunal de grande instance rénové de Strasbourg

Publié le 06 mars 2017

Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des sceaux, ministre de la justice

Lundi 6 mars 2017

Temps de lecture :

6 minutes

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, messieurs les parlementaires,

Monsieur le Maire,

Monsieur le président de l’Eurométropole,

Mesdames et messieurs les élus,

Messieurs les chefs de la Cour d’Appel de Colmar,

Messieurs les présidents et procureur de ce tribunal,

Monsieur le préfet,

Monsieur le Bâtonnier,

Mesdames et messieurs,

Qu’est-ce que la justice dans une société ?

Ø Un signe de civilisation car la justice est une scène institutionnalisée, un lieu d’expression maîtrisée des passions, mais aussi, in fine, le théâtre de leur apaisement.

Ø Une garantie pour les citoyens car elle assure, dans le temps long, la pérennité et l’effectivité des grands principes démocratiques.

C’est-à-dire des droits fondamentaux qui s’expriment dans la Constitution et dans les instruments internationaux de protection des droits de l’homme auxquels un Etat est partie.

Ø Enfin, une institution d’équilibre gardienne des libertés , car si le juge ne saurait se tenir à l’écart de la société, son autorité repose sur le respect scrupuleux de la rigueur dans le raisonnement juridique et de la saine compréhension des réalités humaines qu’il est conduit à connaitre.

La justice occupe donc une place singulière dans notre organisation publique.

Les hommes l’ont inventé pour pouvoir dépasser la violence, le lynchage ou la tyrannie de l’instant.

Elle est en ce sens un marqueur de la démocratie.

Et ce laisser aller à la critiquer est d’une facilité consternante.

Comme tous les juristes, je suis sensible aux précédents, et l’histoire politique nous fournit dans ce domaine une jurisprudence aussi précieuse que dramatique.

Retenons donc avec gravité qu’il n'est pas de République sans une justice respectée.

Et comme disait Honoré de Balzac « se défier de la magistrature est un commencement de dissolution sociale ».

L'institution judiciaire et ceux qui la servent avec compétence, courage et dévouement, méritent qu'on les respecte.

Parce que son rôle est complexe, on ne peut servir la justice qu’avec exigence.

Ø La justice ne dit pas ce qui est ou ce qui n’est pas, c’est le rôle de la science.

Ø Elle n’a pas non plus pour mission de définir ce qui est bien ou ce qui est mal, c’est la morale qui s’en charge.

Ø Elle ne gouverne pas plus la société, pour cela, il y a les pouvoirs, lesquels appliquent les décisions des juges.

Le domaine de la justice, c’est celui du droit, de la règle, de la norme qui doit organiser notre vie commune.

Voilà aussi pourquoi, on ne peut pas la rendre dans n’importe quel endroit.

J’ai lu un jour que nos palais traduisaient « l’union du sacré et de la proximité ».

Pour le «sacré », je crains de ne pas avoir l’expertise requise pour me prononcer.

Mais à l’évidence avec la restauration de ce bâtiment vieux de 120 années, ce palais offre le visage de la proximité.

Je devine que le chantier fut complexe d’autant que l’architecte Jordi Garcès a retenu une approche singulière :

Ä Celle du mariage de l’ancien et du moderne,

Ä Recherchant ainsi une réconciliation au service des justiciables et de ceux qui font œuvre de Justice.

C’est le 7ème palais de Justice que j’ai le plaisir d’inaugurer, mais c’est la première fois que je vois un tel défi architectural.

C’est à l’évidence une réussite d’équilibre entre :

Ä La monumentalité du bâtiment, symbole de la protection que viennent ici chercher nos concitoyens.

Quel meilleur symbole que ces deux sphinx ailés, symboles de l’alliance de la force et de l’intelligence ?

Où que le Lion – incarnation de la puissance - couché à côté d’une justice ailée que j’ai aperçu sur le fronton.

Ä Et l’esthétique mise au service de la fonctionnalité qui bénéficiera autant aux justiciables qu’à tous ceux qui travaillent dans ce tribunal de grande instance.

Ainsi dans cette salle des pas perdus non seulement on ne risque pas de s’égarer mais c’est dorénavant un lieu propice à l’attente en toute sérénité.

J’en remercie toutes les parties prenantes :

Ä La municipalité d’abord, mais aussi le conseil départemental et la région qui marquèrent financièrement leur souci de garder le palais au cœur de la ville,

Ä Les architectes, bien sûr, Jordi Garcés, Daria de Seta et Maxime Lang.

Ä Les équipes de l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice et notamment le directeur de programme,

Ä Les artisans, les entreprises participantes et tous ceux qui ont apporté, - si j’ose dire -, leur pierre à l’édifice !

Je remercie aussi les 250 personnels pour leur patience.

J’imagine que 27 mois de travaux peuvent sembler très longs et que cela n’a pas toujours dû être évident de travailler dans une construction temporaire, le temps d’un déménagement provisoire…

Le tout, en garantissant la continuité du service public de la Justice.

Mais un bâtiment, même splendide, n’est rien sans les moyens de le faire fonctionner.

C’est pourquoi, je n’ai eu qu’un seul combat : le budget, notamment celui des juridictions.

Ø Je suis heureux que les crédits de fonctionnement augmentent cette année de 11%.

En janvier 2016, la Cour d’appel de Colmar commençait l’année avec 2,9 millions euros de dettes. Un an après, elles étaient réduites à 430 000€.

J’en remercie sincèrement les parlementaires, sans qui rien ne serait possible.

Cela va permettre un vrai ressaut budgétaire et de réduire les délais de paiement.

Ce n’est évidemment pas suffisant.

La Justice constitue le socle de notre démocratie, et à ce titre, elle mérite tous les combats.

Durant la prochaine législature, il faudra augmenter les crédits d’au moins 1 milliard d’euros.

Ø Je suis aussi heureux que nous puissions, cette année, créer encore 600 nouveaux postes de magistrats, de greffiers et d’agents administratifs.

Il manque ici, au tribunal de grande instance, sur les 64 postes de magistrats localisés, 3 postes à l’instance et, sur les 19 fonctions au parquet, 1 vice-procureur.

Dans les services de greffe, sur 148 postes localisés, 5 greffiers manquent à la juridiction.

La récente « transparence », sous réserve des avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), a permis de combler quelques manques notamment concernant les juges des libertés et de la détention.

Nos écoles de formations, - l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), l’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et l’Ecole nationale des greffes (ENG) -, seront au maximum de leur capacité.

Depuis 2012, 2282 magistrats ont été formés à l’ENM (+1354 par rapport à la précédente législature). Et, la semaine dernière, 338 élèves greffiers ont prêté serment et arriveront prochainement dans nos juridictions.

Cela va nous permettre d’augmenter les postes de 2 magistrats « placés » auprès de la Cour d’appel, ce qui devrait pouvoir bénéficier au plus grand tribunal de grande instance de la Cour…

Mais si recruter est une réponse, recentrer les juges sur leurs missions essentielles en est une autre, complémentaire.

Il n’est plus possible qu’un greffier soit exténué à la fin de la journée, par le trop-plein de dossiers traités.

Il n’est plus acceptable qu’une magistrate perde du temps sur des dossiers dans lesquels il n’y a aucun litige, alors qu’elle pourrait être mobilisée sur des situations conflictuelles.

Il n’est plus compréhensible que les justiciables doivent attendre des mois une réponse, du fait d’un embouteillage de dossiers.

Je suis convaincu que la loi de modernisation pour le justice du 21e siècle #J21 a ouvert des voies et qu’il faudra continuer à poursuivre demain. Par exemple, avec des alternatives aux contentieux ou l’appel à la médiation.

C’est aussi une manière de moderniser la Justice et d’en faire un service public accessible, surtout aux plus vulnérables, adapté et accueillant.

Mesdames et messieurs,

L'impartialité de la justice impose sa sérénité.

Ce nouveau palais devrait le permettre parce qu’il offre l’image d’une Justice faite pour nous, une Justice en forme humaine.

Je vous remercie de votre attention.

Contact presse – Cabinet du garde des sceaux

01 44 77 63 15 / secretariat-presse.cab@justice.gouv.fr

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