Typologie de contenus: Discours du ministre

Rentrée solennelle du barreau de Paris au théâtre du Châtelet le vendredi 29 novembre 2024

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Monsieur le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris,

Madame la vice-bâtonnière,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Madame l’adjointe à la maire de Paris,

Mesdames et Messieurs les chefs de cour et de juridiction,

Monsieur le président du conseil de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation,

Madame la présidente du Conseil national des barreaux,

Monsieur le président de la Conférence des bâtonniers,

Mesdames et Messieurs pris en vos grades et qualités,

Chers maîtres,

C’est un plaisir et un honneur pour moi de pouvoir clôturer la rentrée de votre barreau.

Fort de plus de 30 000 avocats, le barreau de Paris œuvre chaque jour au service de la Justice de notre pays et contribue au rayonnement de la place parisienne et du droit continental.

Le programme de votre rentrée témoigne de ce dynamisme, tant au plan national qu’aux plans européen et international.

Acteur de confiance, l’avocat défend quotidiennement les intérêts de ses clients dans le cadre de ses activités de conseil ou au contentieux. Mais votre profession contribue aussi à améliorer le droit existant, en lien étroit avec « son ministère », le ministère de la Justice.

Je tiens donc à remercier vivement le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers pour leur contribution active et constructive aux travaux de la Chancellerie.

Il y a encore du chemin à faire ensemble pour offrir à nos concitoyens la justice qu’ils attendent.

Vous le savez, j’ai lancé hier les travaux de trois missions d’urgence pour aboutir d’ici le mois de février, à des propositions d’actions juridiques et opérationnelles pour :

  • recentrer la Justice sur son rôle ;
  • juger dans des délais raisonnables ;
  • exécuter les peines plus rapidement.

Votre profession est associée à ces travaux, car cette réflexion ne peut se faire et ne se fera pas sans vous. Les avocats sont représentés dans les deux missions que la Chancellerie a composées. Le troisième, celle sur la déjudiciarisation, a été confiée à des membres des trois plus hautes juridictions - judiciaire, administrative et financière - de notre pays. Mais je sais qu’ils auront à cœur d’associer étroitement les avocats à leurs réflexions et ne m’en réjouis.

Dans ce contexte marqué par des évolutions structurantes, la profession d’avocat fait face à de multiples défis :

  • défi d’une justice apaisée et efficace ;
  • défi d’une confiance renouvelée au soutien des droits de la défense ;
  • défi d’une profession actrice des évolutions de la société ;

  1. Défi d’une justice apaisée et plus efficace

Parce qu’il oriente et accompagne son client dans la voie la plus adaptée à la résolution de son litige, l’avocat occupe une place centrale dans le développement des modes amiables de règlement des différends.

Les modes amiables reposent sur une idée commune : celle d’une justice négociée où les justiciables sont acteurs de la résolution de leurs litiges et soutenus par l’intervention d’un tiers (juge, médiateur, conciliateur, avocat).

De nombreuses mesures ont été mises en œuvre pour dynamiser le recours à l’amiable. Je pense notamment à l’audience de règlement amiable ou à la césure du procès civil, dans lesquelles l’avocat a d’ailleurs toute sa place.

Au-delà de ces réformes, je souhaite que l’on poursuive une réflexion plus générale sur la politique publique menée en matière d’amiable et plus largement sur l’office du juge.

Vous avez déjà participé à cette réflexion :

  • à travers les ambassadeurs de l’amiable  : des représentants de votre profession ont activement œuvré, aux côtés de magistrats et d’universitaires, afin d’ancrer la culture de l’amiable sur le terrain ;
  • ou par le Conseil national de la médiation qui s’est d’ores et déjà emparé de sujets intéressant directement les avocats pratiquant ou recourant à la médiation : financement de la médiation, articulation de la médiation avec les autres modes de règlement, référentiels de formation initiale et compétences, éthique et déontologie du médiateur, etc.

Cette réflexion va s’amplifier dans les semaines et les mois qui viennent. Nous y travaillons. Je sais pouvoir compter sur votre implication au service de nos concitoyens.

  1. Défi d’une profession incarnant la confiance au soutien des droits de la défense

Je souhaite également partager une autre conviction profonde : celle de votre rôle essentiel au soutien de notre Etat de droit.

Dans une période où nos principes essentiels tendent à être questionnés voire remis en cause, je tiens à vous assurer de mon engagement indéfectible pour renforcer nos moyens d’action, sans sacrifier les fondements de nos droits de la défense.

Les juridictions, qui œuvrent au quotidien au service de la Justice, sont en attente de moyens humains, numériques, mais aussi immobiliers. Nos concitoyens subissent des délais trop longs et ont le sentiment que la justice les a abandonnés.

Vous subissez aussi tout cela et avez raison de ne pas vous résigner.

Vous l’avez compris, je travaille sans relâche pour que les moyens de la Justice soient préservés. Je vous sais à mes côtés dans ce combat, soyez-en remerciés.

Je suis convaincu que ces moyens préservés, combinés aux réflexions sur les leviers les plus efficaces pour désengorger la Justice, nous permettront d’offrir à tous une justice efficace, respectueuse des droits de chacun et sur laquelle nous pouvons compter.

Ces réflexions ne doivent bien évidemment pas se faire au détriment des droits de la défense, au respect desquels vous œuvrez au quotidien. Il en va de la confiance du citoyen envers son avocat et envers la Justice. J’y suis particulièrement attentif depuis les premiers jours de la ma prise de fonctions et vous pouvez me faire confiance, ainsi qu’au Gouvernement et au Parlement.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut toucher à rien, que toutes les procédures actuelles sont parfaites et que leur lourdeur et leur longueur seraient un mal nécessaire. J’ai, au contraire, la conviction profonde, en ce domaine comme dans d’autres, que nos principes sont une force et non un obstacle. Nous pouvons, nous devons, sans rien renier à leur égard, trouver des modalités plus efficientes, des méthodes plus agiles, plus innovantes, dans l’intérêt de tous.

Je sais votre vision constructive de ce combat du quotidien, dans tous les domaines.

Je l’ai vu, votre barreau et l’ensemble de la profession répondent présents, par exemple :

  • lorsqu’il s’agit de trouver des solutions pour concilier la préservation des droits de la défense et l’efficacité de l’enquête ;
  • lorsque vous participez aux travaux des juridictions ayant pour objectif de permettre une réduction des délais de jugement, notamment pour les dossiers d’instruction correctionnels ;
  • lorsqu’il s’agit de réfléchir aux sujets complexes de la surpopulation carcérale et du choix de la peine la plus adaptée.

Nous aurons besoin de votre regard encore, dans le cadre des mesures du plan anticriminalité organisée et des débats parlementaires à venir.

Vous vous inquiétez, de manière plus générale, de l’avenir de votre profession. Je tiens à vous réaffirmer ici toute ma confiance.

Cette confiance indispensable a vocation à être encore renforcée à la faveur des évolutions de votre profession.

La loi d’orientation et de programmation pour la justice du 20 novembre 2023 a entendu revaloriser votre profession, notamment en réhaussant le niveau du diplôme nécessaire pour accéder à la profession ou en sécurisant le statut de l’élève-avocat.

Mais vous démontrez également votre capacité à vous adapter aux nouveaux enjeux déontologiques d’une profession en constante mutation. En témoignent par exemple la publication du code de déontologie des avocats ou l’implication de la profession dans les travaux relatifs à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

  1. Défi d’une profession actrice des évolutions de la société

Vous faites face à de nombreux défis. La concurrence, les difficultés économiques, vous les avez évoquées. Les attaques, aussi.

Car je n’oublie pas non plus les atteintes dont les avocats sont trop souvent les victimes, dans certains Etats parfois proches des nôtres.

Notre engagement commun pour l’Etat de droit en Europe appelle un engagement clair des Etats parties au Conseil de l’Europe à garantir la protection des avocats.

La France a soutenu l’adoption par le Conseil de l’Europe d’une Convention pour la protection de la profession de l’avocat. Je me réjouis de savoir que les travaux sont désormais bien engagés.

Vous pouvez compter sur mon soutien pour que ce texte soit définitivement adopté et signé au printemps 2025.

Je suis persuadé que votre capacité à innover et à vous réinventer vous permettra de vous adapter à ces évolutions.

J’en veux pour preuve votre investissement dans l’accompagnement aux évolutions technologiques. Je sais notamment que des échanges réguliers se tiennent avec le ministère de la Justice pour permettre le développement de la dématérialisation des procédures judiciaires, au civil comme au pénal.

Vous l’avez également souligné, le Barreau de Paris est particulièrement impliqué dans le déploiement de l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle générative, qui bouscule aussi notre vision de la Justice et de l’office du juge, va constituer tout à la fois une opportunité pour votre profession et un défi au regard de vos périmètres d’action et de vos obligations déontologiques, en termes notamment de respect du secret professionnel et des principes d’indépendance et de loyauté.

Résolument tournée vers l’avenir, votre profession fait assurément face à l’ensemble de ces enjeux. Vous les relevez avec un dynamisme et un volontarisme que je salue tout particulièrement, au service des droits de la défense et de l’Etat de droit, sans lequel il n’est pas de démocratie viable.

Nous approchons certes la fin de l’année civile, mais je vous souhaite, à toutes et tous, une bonne rentrée.

Je vous remercie.