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Salon du livre judiciaire 2018
Publié le 11 décembre 2018
La quatrième édition du Salon du livre judiciaire s'est déroulée pour la première fois le samedi 1er décembre sous les ors du salon des Oiseaux. Lors des quatre tables rondes, chaque intervenant a présenté son ouvrage avant que les échanges ne s’engagent avec la salle. Un temps était ensuite réservé aux dédicaces. Une journée riche, en compagnie d’auteurs du droit, à la fois passionnés et accessibles.
Les sources du droit
Universitaires spécialistes de l’histoire du droit ou de l’histoire médiévale, magistrats, avocats, journalistes… l’auditoire a pu apprécier tout au long de cet événement la diversité des profils et des parcours.
La journée a commencé par un questionnement sur les sources du droit. Comment la coutume, générée spontanément, entraîne-t-elle par exemple au Moyen-Âge des conflits que la justice va tenter de résoudre ? « Les bases structurelles sont déjà établies dans les arrêts du Parlement de Paris, explique Olivier Descamps1 et la volonté d’origine royale de codifier pour faciliter la communication des règles existe dès Louis XI. »
Autre source, le lettre de rémission ou acte de la chancellerie au moyen duquel le roi accordait son pardon à la suite d’un crime ou d’un délit. On apprend ainsi avec Maud Ternon2 que la folie était, au Moyen-Âge, un motif d’irresponsabilité pénale complète et que les crimes excusés par la grâce royale étaient aussi les plus atroces, meurtres intrafamiliaux ou destructeurs de l’ordre social.
« Les sources de la justice médiévale sont par ailleurs très dispersées, précise Claude Gauvard3. Au XIVe siècle, la capitale est au centre de la répression du crime politique. C’est le prévôt de Paris qui a la charge de rechercher les malfaiteurs et de les incarcérer. Or, les prévôts en fin de charge avaient pour habitude de partir avec leurs registres et d’en revendre le parchemin…, d’où la dispersion des sources. »
Les mots pour le dire
Seconde orientation de la journée, l’enquête ou le témoignage. Olivier Jouanjan4 a ainsi travaillé sur les formes du discours nazi en tentant de décrypter la logique interne, la structure grammaticale d'un discours monstrueux sur un droit monstrueux qui autorise à justifier « en droit » l'injustifiable moral.
Fabrice Virgili5 et François Rouquer5 ont souhaité, pour leur part, rédiger une synthèse sur l’épuration « qui fut l’un des moyens d’action de la Résistance pendant l’Occupation. » et dont l’une des images emblématiques reste celle de la femme tondue.
Denis Salas6, enfin, signe un livre personnel sur le meurtre de masse. Présent peu de temps après l’attentat du 14 juillet 2016, à Nice, il raconte comment la nécessité d’écrire et d’écrire autrement lui est apparue comme une évidence : « Les bourreaux ont voulu écrire une page de notre histoire, mais notre rôle, celui des poètes, des écrivains, c’est de prendre la plume pour construire un récit et répondre ainsi à la violence. »
Il existe par ailleurs une attente très forte de justice chez les victimes de terrorisme. « Face à un crime de masse et à la blessure ineffaçable qu’il représente, il faut des réponses, ajoute l’auteur. Le témoignage en est une. »
Le Grand Entretien
Dernier temps fort de la journée, l’entretien de l’avocat pénaliste Henri Leclerc7 par Jean Danet, membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Après une rencontre déterminante avec Michel Rocard à l’âge de 18 ans, le jeune homme affirme très vite sa volonté « d’agir comme citoyen et pas seulement comme avocat » ; un avocat pour qui l'importance du dialogue et de la réflexion collective est capitale. « Il ne suffit pas de connaître le dossier, précise Henri Leclerc. C’est dans le dialogue et l’échange que la qualité de la pensée s’améliore, qu’on ait tort ou raison. »
L’auteur évoque encore dans quelle mesure le rôle de l’avocat « consiste à essayer de savoir ce qui est juste. Il n'est pas là pour gagner nécessairement. J'ai parfois plaidé pour condamner. Ce fut le cas dans l'affaire Courjault » (NDLR : l’affaire des bébés congelés)
Organisation
Ministère de la Justice, département des Archives, de la documentation et du patrimoine
Association française pour l'histoire de la justice(AFHJ)
Conseil supérieur du notariat (CSN)
1 - Olivier Descamps. Dir, Les Sources du droit à l’aune de la pratique judiciaire. Paris. Ed. Panthéon-Assas, 2018
2 – Maud Ternon. Juger les fous au Moyen-Âge. Dans les tribunaux royaux en France XIVe – XVe siècles. Paris, PUF, 2018
3 – Claude Gauvard. Condamner à mort au Moyen-Âge. Pratiques de la peine capitale en France, XIIIe – XVe siècles. Paris, PUF, 2018
4 – Olivier Jouanjan. Justifier l’injustifiable. L’ordre du discours juridique nazi. Paris, PUF, 2017
5 - Fabrice Virgili et François Rouquet. Les Françaises, les Français, et l’épuration. De 1940 à nos jours. Paris, Gallimard, 2018
6 – Denis Salas. La Foule innocente. Paris, Desclée de Brouwer, 2018
7 – Henri Leclerc. La Parole et l’Action. Mémoires d’un avocat militant. Paris, Fayard, 2017.
©C. Koch
©photos : MJ/DICOM